• Ca rend heureux

Publié le par 67-cine.gi-2007













Ça rend heureux comédie de Joachim Lafosse









Avec :

Fabrizio Rongione , Kris Cuppens , Catherine Salée , Mariet Eyckmans , Dirk Tuypens , Cédric Eeckhout , François Pirot , Catherine Mestoussis , Isabelle Darras , Kristof Coenen , Delphine Ysaye et, Carine Peeters

durée : 1h25
sortie le 30 mai 2007

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Synopsis
Fabrizio, cinéaste sans emploi, décide, avec l'énergie du désespoir, de tourner un nouveau film, fauché, sauvage, inspiré de son quotidien et de l'expérience de ses proches.
Toutefois, son désir de mêler réalité et fiction, ne manquera pas de déstabiliser son entourage ...


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Entretien avec Joachim Lafosse
- : « D'où vous est venue l'idée de ce récit ? »

Joachim Lafosse : « De mon expérience sur mon précédent film. J'ai réalisé Folie privée de manière sauvage et complètement inattendue en 10 jours avec 10 000 euros. Le film a connu une belle carrière dans les festivals. Mais, quand il est sorti en Belgique, j'ai découvert ce qu'était le marché et la concurrence. J'ai eu envie de raconter tout ça, le désenchantement face à la réalité du marché, le fantasme du cinéma et surtout le désir de créer qui demeure intact. Je voulais aussi montrer que le cinéma est une aventure humaine formidable. Au-delà des chiffres, il faut savoir relativiser un échec car il reste le plaisir de travailler en équipe. Après Folie privée, je n'arrivais pas à monter Nue propriété. Du coup, je me suis lancé dans ce projet. En fait, c'était un bon moyen de continuer à apprendre mon métier de cinéaste et de montrer au public que l'on peut s'amuser de soi à travers la fiction. »

- : « Vous avez écrit le scénario avec vos comédiens. Comment s'est déroulé ce travail collectif ? »

J. L. : « J'écrivais tous les jours, et trois fois par semaine je retrouvais les comédiens autour d'une table. Je leur avais demandé de nourrir le film de leur vécu. L'histoire des files de pointage, c'est vraiment ça ! Quand je les voyais, ils me faisaient des commentaires et des propositions. Il arrivait même que certains écrivent des scènes. C'était moins une continuité dialoguée qu'un traitement. J'avais surtout besoin d'un agencement des séquences car je craignais de me retrouver au montage avec un film qui ne tienne pas la route. Cette étape a été très structurante, au point qu'elle autorisait une part d'improvisation car nous savions où nous allions. »


- : « Fabrizio Rongione interprète en quelque sorte votre double cinématographique. Comment l'avez-vous choisi ? »

J. L. : « On s'est rencontré à l'université d'été d'Emergence. Très vite, en discutant ensemble, on s'est rendu compte que nous avions envie de voir plus de films sur le Bruxelles que nous connaissons, et pas celui des médias. Il m'a alors dit qu'il venait de créer une structure de production avec des amis. Quelque temps après, je suis revenu vers lui avec une idée de film. C'était Ça rend heureux ! Fabrizio avait toutes les qualités pour interpréter un auteur car il est comédien, producteur et réalisateur. De là à dire qu'il joue mon double ... je crois que je n'aime pas trop ce terme. Nous sommes tous multiples. Moi, je ne suis pas uniquement le type torturé qui essaie de faire des films. »

- : « Vous avez fait aussi appel à Kris Cuppens qui apparaît dans tous vos films ... »

J. L. : « Un cinéaste n'est rien s'il est seul. Il a besoin de gens qui le soutiennent et l'encouragent. Kris est l'un d'eux. C'est un interlocuteur privilégié avec lequel je collabore depuis mon premier court métrage. Il est très rare de trouver une personne qui soit prête à s'investir sans contrepartie. »

- : « C'est un film qui n'hésite pas à jouer sur les ruptures de ton, vous abordez, avec humour, des questions plus graves comme le chômage ... »

J. L. : « Je n'avais pas envie de faire un film plaintif et dépressif sur les chômeurs. En revanche aborder ce sujet avec humour me semblait un véritable enjeu. Ces chômeurs ne sont pas victimes du système, ils refusent la fatalité et veulent agir par eux-mêmes. Ils vont prendre en main leur destin et se lancer dans une entreprise commune pour se sentir exister à nouveau. Ils sont tous mus par le désir de répondre à leur vocation malgré un système qui les en empêche ou tout du moins les considère comme inactifs. Ce film est aussi une histoire d'amour. L'amour du cinéma, d'une femme, d'une équipe, d'une ville, où chacun est tantôt gagné par le doute, tantôt par le souhait de réussir. »


- : « C'est aussi un film sur la différence linguistique Flammand-Wallon et sur Bruxelles ... »

J. L. : « Effectivement, tourner et raconter une histoire à Bruxelles et le faire en deux langues, me semblait évident... C'est la réalité de cette ville. Et pourtant, en Belgique, allier les deux communautés linguistiques dans un projet ne va pas de soi. Mais il était important pour moi de montrer que contrairement à ce que veulent nous faire croire les politiques, il n'y a aucune volonté séparatiste. Il était donc logique d'illustrer le fait que les deux communautés vivent, travaillent, rient ensemble.
Ça rend heureux en dit plus sur la vie en Belgique que tout ce qui s'est dit à la suite du faux Journal Télévisé annonçant la séparation des communautés: non les Néerlandais ne sont pas tous des séparatistes, et non les Wallons ne sont pas tous des intellectuels incapables de parler néerlandais. »

- : « Que signifie le titre Ça rend heureux ? Et finalement qu'est-ce qui rend heureux ? »

J. L. : « J'ai cherché ce titre pendant un bon moment. Ce n'est que pendant le montage que je l'ai trouvé. En fait, je me suis aperçu à ce moment-là que le film m'avait mis dans un état que j'aimais beaucoup. Ça rend heureux ne fait qu'exprimer ce sentiment. C'est ce que j'ai toujours voulu montrer. Attention ! Cela ne veut pas dire que j'accepte la dictature du bonheur. On a le droit d'être malheureux ou déprimé. Je veux juste dire qu'une des solutions pour ne pas être trop malheureux est de créer, de proposer, d'être dans l'initiative ... Le cinéma ne rend pas forcément heureux, mais le fait de créer ensemble, d'être fertile y contribue. J'en suis convaincu ! »

- : « Entre fiction et réalité ... Vous n'hésitez pas à jouer avec le spectateur. »

J. L. : « Ça rend heureux est un récit romancé avec tout ce que cela implique. Nous avons toujours voulu raconter une histoire traditionnelle, avec un début et une fin, une trame dramatique, une quête et son lot d'obstacles ... et une réussite à la clé!
À mes yeux, la réalité, c'est le mensonge, et la fiction, c'est la vérité. La seule réalité collective, que l'on puisse partager, c'est la fiction ... Derrière la fiction se cache une exigence de qualité et d'inventivité. S'en tenir à la réalité relève d'une sorte de paresse intellectuelle. Le secret, c'est de ne jamais révéler la part de vérité, tout en donnant aux gens l'envie de se poser des questions. Ce que je cherche à faire grâce au philtre de la fiction c'est de faire réfléchir sur une situation donnée, d'autant plus si elle est à la frontière avec la réalité. On se demande: est-ce possible, est-ce réaliste ? Plus concrètement dans Ça rend heureux, on peut se demander si le chômage peut se vivre ainsi, est-ce possible de quitter ce statut réducteur de chômeur: un jour on est au chômage le lendemain on retrouve une activité, on peut vivre une rupture douloureuse puis peu de temps après retomber amoureux et vivre un très bel amour ...
Ainsi la fiction permet de prendre le recul nécessaire à la réflexion, de parler du pourquoi: une émission de télé réalité ne parle de rien d'autre que ce que l'on voit jour après jour alors qu'une fiction sur la télé réalité entraîne une vraie réflexion sur ce phénomène de société.
La vie est une fiction magnifique. Observée attentivement, elle est très romanesque. Je suis un adepte de la fiction. La réalité, je ne sais pas ce que c'est !
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Fiche technique
Réalisation : Joachim Lafosse
Scénario : Joachim Lafosse, Samuel Tilman, Fabrizio Rongione, Kris Cuppens, Vania Leturcq, Mariet Eyckmans et Catherine Salée
sur une idée originale de : Joachim Lafosse
1 ère assistante : Vania Leturcq
2ème assistante : Valérie Houdart
Scripte : Emilie Flamant
Image : Jean-François Metz
Photographie : Ana Samoilovich
Son : Isabelle Gaba et Sarah Gouret
Monteuse image : Sophie Vercruysse
Monteur son : Benoit de Clerck
Mixeur : Benoît Biral
Musique : Collectif Spacelab
Distribution : Haut et Court

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de

remerciements à
Carolyn Martin-Occelli et Marion Tharaud
logos, textes & photos © www.hautetcourt.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

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