• Les Lip, l’imagination au pouvoir

Publié le par 67-cine.gi-2007













Les Lip, l’imagination au pouvoir documentaire de Christian Rouaud





avec :
Charles Piaget, Roland Vittot, Raymond Burgy, Jean Raguenes, Fatima Demougeot, Michel Jeanningros, Jeannine Pierre-Emile, Noëlle Dartevelle, Claude Neuschwander et Jean Charbonnel


durée : 1h58
sortie le 21 mars 2007



au cinéma

reprise à partir du mercredi 16 mai 2007
11h (sauf ven, lun et mar) | 15h55 | 19h55

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Synopsis
Les LIP, l’imagination au pouvoir, donne à voir et à entendre les hommes et les femmes qui ont mené la grève ouvrière la plus emblématique de l’après 68, celle des usines horlogères LIP à Besançon.
Un mouvement de lutte incroyable qui a duré plusieurs années, mobilisé des foules entières en France et en Europe, multiplié les actions illégales sans céder à la tentation de la violence, porté la démocratie directe et l’imagination à incandescence.
Le film retrace cette épopée, à travers des récits entrecroisés, des portraits, des archives. Une histoire collective pour essayer de comprendre comment le combat des Lip porta l’espoir et les rêves de toute une génération.
Pour ceux qui ont vécu les années LIP, ces retrouvailles éveillent des souvenirs chaleureux. Pour ceux qui n’étaient pas nés, c’est l’occasion de découvrir cette lutte, au travers de laquelle se posent bien des enjeux de notre avenir immédiat.
C’est possible, les Lip l’ont fait.


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Que reste-t-il de ces beaux jours ?
Christian Rouaud : « Lip est resté dans la mémoire de ceux qui ont milité dans l’après 68 comme un sommet, certes, mais surtout comme l’affaire de chacun. Qui, parmi ceux qui ont vécu cette période, ne porte pas en lui un petit bout de Lip, un lambeau de mémoire en éveil, sa façon à lui d’avoir vécu le conflit ? Lip, on y est tous un peu pour quelque chose. Qu’on soit d’ici ou de là, on a fait des grèves de soutien, collé des affiches, diffusé le journal Lip-Unité, participé à des galas, vendu des montres. On est allé à Besançon visiter l’usine, on a fait la manif monstre sous la pluie, tenté de boycotter la banque qui étranglait les Lip. On a diffusé des films, des cassettes, des chansons, fait des meetings, on est allé sur le Larzac, on a encouragé d’autres travailleurs à imiter les Lip… Cet enthousiasme collectif est la toile de fond de l’histoire, mais ce n’est pas mon sujet. Je ne veux, ni ne peux faire le tour de la question Lip, c’est une affaire de journalistes ou d’historiens, ce que je ne suis pas.
J’avais envie d’un film partiel, partial sans doute, un film qui assume un point de vue et un regard, certain que cette singularité-là dirait plus et mieux que toutes les analyses du monde. Ce qui m’intéresse, ce sont les hommes et les femmes qui ont permis que ce tremblement de terre se produise. Leur mémoire est vacillante, leurs souvenirs imparfaits, ça tombe bien, ce qui m’émeut c’est la façon dont ils en parlent aujourd’hui, les hiatus et les grincements de leurs récits. Trente ans se sont écoulés. Trente ans de silence, tant a pesé lourd dans leur vie ce conflit interminable et sa fin qui les a séparés. C’est dans les espaces de cette parole d’aujourd’hui que se glisse la matière proprement cinématographique de l’histoire, la part de l’imaginaire et du récit, l’émotion aussi, sans laquelle le cinéma n’est pas.
Ce sont de bons conteurs, parce qu’ils parlent d’eux et construisent leur personnage en même temps qu’ils racontent. Charles de sa voix posée, avec son inimitable accent du Jura, Roland, tout en saccades et en émotion, Raymond, synthétique et précis, Jean au verbe onctueux de dominicain, Fatima avec la justesse de ses synthèses, Michel avec son humour, Jeannine avec sa gouaille, Claude avec une solennité toujours prête à se briser, tous prennent un évident plaisir à ces récits qui font briller leur regard, parce que leur corps a encore en mémoire les actions qu’ils ont menées et que les images en sont encore présentes au fond de leurs yeux.
De la réflexion naît l’action, dit le proverbe. Chaque moment de la lutte des Lip est la démonstration que cette relation-là est plus dialectique qu’il n’y paraît, et qu’elle réserve de belles surprises à ceux qui osent prendre le risque de faire bouger les choses. Tracer ces portraits, c’est aussi essayer de comprendre ce qui a poussé ces gens comme vous et moi à se lancer dans une lutte collective radicale, et puis faire résonner les modes de réflexion, d'intervention, d'organisation d'il y a 30 ans aux oreilles d'aujourd'hui, car je suis convaincu que cette histoire, pour de nombreuses raisons, nous parle de nous, ici et maintenant.


J'ai toujours imaginé ce film projeté dans les cinémas. J'ai pensé qu'il avait besoin du coude à coude et des frissons d’une salle obscure pour trouver son espace. Cette histoire collective appelle une écoute et un regard partagés. Elle veut qu'on soit là, ensemble. A cette condition, elle pourra évoquer des questions qui n'en finissent pas de se poser à nous, qu'on le veuille ou non : la démocratie, la solidarité, la lutte pour la justice, la capacité de vivre ensemble. De grands mots, sans doute, mais dont on a sans cesse besoin de retrouver le sens, de se les réapproprier. Peut-on parler de rêverie politique ? J’aimerais que cette incongruité traverse le film. Lip c’est la poursuite d’un rêve collectif. Une histoire portée par un souffle épique, mais aussi par le désir de mettre en acte des idées, après les avoir malaxées ensemble, avec l’évident plaisir d’inventer.
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Lip, une chronologie
Premier acte, exposition
Dans les années 50, les militants Cftc de Lip, regroupés autour de Charles Piaget et Roland Vittot, cherchent à créer une force syndicale capable de tenir tête au patron. Ils s'attaquent au secret des rémunérations et publient les fiches de paie. Tollé général. Lors d’une grève un peu dure, les ouvriers bloquent le stock de montres et l’utilisent comme monnaie d’échange dans la négociation.
Dans les années 60, la situation financière de l'entreprise se dégrade. Fred Lip cherche à ouvrir son capital et se tourne vers une société suisse, Ebauches SA à qui, en janvier 1967, il cède 33% de ses parts.
En mai 68, la grève chez Lip est particulièrement active. La situation de l'entreprise se détériore toujours. Ebauches SA devient actionnaire principal avec 43% du capital en avril 1970.
Le 5 juin 1970, les ouvriers de l'atelier mécanique débrayent 1/4h par heure après diminution de leurs salaires. Lors de l’AG du 16 juin, les ouvriers décident l'occupation de l'usine et le blocage des expéditions. Après 8 jours de grève, la direction cède et revalorise les salaires.
Le 5 février 1971, à 65 ans, Fred Lip est débarqué par le conseil d’administration. Il laisse sa place à Jacques Saint-Esprit, ancien secrétaire général renvoyé par Fred Lip. La situation de l’entreprise est très inquiétante.
Le 17 avril 1973, Jacques Saint-Esprit démissionne, Lip dépose le bilan.


Deuxième acte : le grand conflit de 1973
Le 20 avril 1973, création du Comité d’Action, animé par Jean Raguenès et Marc Géhin.
Le 26 avril 1973, les administrateurs déclarent: Tout peut arriver. Les Lip organisent la baisse des cadences.
Le 18 mai, ils manifestent devant le siège d'Ebauches Sa à Neufchâtel.
Le 24 mai, manifestation à Besançon.
Le 28 mai, 534 Lip montent à Paris, en délégation à Matignon et au ministère de l'équipement.
Le 10 juin, l'usine est totalement occupée pour la sauvegarde de l'outil de travail.
Le 12 juin, lors d’une réunion du comité d'entreprise, le syndic et les administrateurs provisoires sont séquestrés. On découvre une sacoche contenant les plans de licenciement. Dans la nuit, le stock de montres, environ 500 MF, est mis à l’abri dans des caches disséminées dans la région.
Le 15 juin, une manifestation de 12.000 personnes sillonne Besançon. Les magasins sont fermés, le glas sonne. L'évêque, Mgr Lallier, prend la parole devant les manifestants. Les Crs répriment sévèrement.
Le 18 juin, une assemblée générale historique décide la remise en route de la chaîne horlogère pour assurer un salaire de survie. Pendant l'été, la lutte des Lip est popularisée avec le slogan : C'est possible : on fabrique, on vend, on se paie. Les visiteurs affluent à Palente.
Le 22 juin, l'assemblée générale met sur pied 6 commissions de travail : production, vente des montres, gestion du stock, accueil, popularisation, entretien et sécurité. Très rapidement, 3 autres commissions voient le jour, restaurant, animation, courrier.
Le 2 Août, Jean Charbonnel, Ministre du Développement industriel présente un plan de sauvetage de Lip, qui n'est autre que celui d'Ebauches SA. Il nomme Henri Giraud comme médiateur.
Le 3 août, les grévistes refusent le plan Charbonnel et distribuent la première paie sauvage.
Le 11 août, début des négociations entre les représentants des syndicats, du Comité d'action et Henri Giraud.
Le 15 août, à 5h30 du matin, les gardes mobiles investissent l'usine et chassent les travailleurs. A l'annonce de la nouvelle, de nombreuses entreprises se mettent en grève et les ouvriers viennent en découdre avec les forces de l’ordre. Installation de la nouvelle usine Lip dans un gymnase prêté par la mairie, à condition qu'on n'y reprenne pas la production.
Le 31 août, distribution sans témoins de la 2ème paie sauvage.
Le 29 septembre, grande marche nationale sur Besançon. 100.000 personnes manifestent sous une pluie battante. Les tensions s'amplifient entre la Cfdt et la Cgt.
Le 12 octobre, les Lip doivent se prononcer sur les conclusions des négociations avec Henri Giraud, Un vote à bulletin secret donne une large majorité à la poursuite de la lutte,
Le 15 octobre, Pierre Messmer, Premier Ministre, prononce son fameux: Lip, c'est fini !
Début janvier 1974, Jean Charbonnel charge Claude Neuschwander d'une mission sur la possibilité d'une relance de Lip.
Les 26, 27 et 28 janvier, à Dôle : négociations entre José Bidegain, mandataire d’un trio de repreneurs, et les Lip. L'entreprise procédera aux embauches du personnel à la mesure des besoins créés par son développement. 850 Lip doivent être réembauchés.
Le 29 janvier 1974, la délégation de Lip signe les accords de Dôle.
Dans la nuit du 29 au 30 janvier, les Lip restituent leur trésor de guerre : 10 tonnes de matériel et un chèque de 2MF, reliquat de la vente des montres.
Le 11 mars, après 329 jours de lutte, face à de nombreux Lip et sympathisants, Roland Vittot déclare : Camarades, Lip vit ! Nous lutterons tous ensemble jusqu'à ce que le dernier d'entre nous ait franchi cette grille ! Raymond Burgy rentre le premier dans l'usine. Les 135 premiers réembauchés reprennent le travail.

Troisième acte : apres la victoire
Le 15 décembre 1974, les derniers Lip reçoivent leur lettre de réembauche.
Le 31 mars 1975, ils reprendront tous effectivement le travail. Les commandes affluent et l'année 75 s'annonce prometteuse. Mais l'équipe de direction doit faire face à des difficultés imprévues.
En avril 1974, des fournisseurs décident de ne pas honorer les commandes passées. Contrairement à ce que stipulent les accords de Dôle, le tribunal de commerce de Besançon demande à Claude Neuschwander d'honorer ses 6MF de dettes. Il doit les payer du jour au lendemain.
Mai 1974, Valéry Giscard d'Estaing, est élu Président de la République et nomme Jacques Chirac Premier Ministre. Renault, entreprise nationalisée, retire ses commandes. Les industriels horlogers du Doubs, soutenus par Edgar Faure, s'opposent à une aide de l'Etat. Les banques refusent d'apporter les 4MF réclamés. Claude Neuschwander se tourne vers son conseil d'administration et se heurte à un refus. C'est la fin de Lip. Claude Neuschwander démissionne le 8 février 1976. Jean Charbonnel est débarqué à l’occasion d’un remaniement ministériel.

Quatrième acte : le dénouement, les cooperatives
Le 5 mai 1976, les Lip entament une nouvelle occupation de l'usine et reprennent à leur compte la fabrication des montres. Finalement, le 28 novembre 1977, à l’issue de longs débats, et face à l’absence de repreneurs, les Lip créent Les Industries de Palente (LIP), six coopératives : mécanique, horlogerie, restauration, bois et tissus, imprimerie, loisirs...


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Fiche technique
Réalisateur : Christian Rouaud
Auteur : Christian Rouaud
Image : Jean Michel Humeau et Alexis Kavyrchine
Son : Claude Val
Assistant-réalisateur : Florent Verdet
Montage : Fabrice Rouaud
Montage Son / Mixage : Dominique Vieillard
Direction de Production : Françoise Buraux et Nelly Mabilat
Producteur : Les Films d’Ici – Richard Copans
Avec le soutien de : La Région Ile de France, La Région Franche-Comté, Le Centre National de la Cinématographie et Le Sicom
Distributeur : Pierre Grise Distribution

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de



remerciements à
Maurice Tinchant et Grégory Pétrel
logos, textes & photos © www.pierregrise.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

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