Never forever
Never forever drame de Gina Kim
Avec :
Vera Farmiga, Jung-Woo Ha et David McInnis
durée : 1h44
sortie le 24 octobre 2007
au cinéma
à partir du mercredi 7 novembre 2007
à partir du mercredi 7 novembre 2007
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Synopsis
Sophie semble mener une vie idéale avec Andrew, son mari originaire de Corée. Le couple mixte est totalement intégré à la haute société new-yorkaise.
Un problème majeur fait pourtant obstacle à leur bonheur : l’impossibilité, malgré de nombreuses tentatives, d’avoir un enfant.
Pour sauver son mariage, Sophie prend seule la décision d’avoir un enfant d’un autre. Elle se lance alors dans une aventure secrète avec Jihah, un immigré clandestin, coréen comme Andrew. Elle le paiera lors de chaque rendez-vous et ce jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte.
Mais, même si on le désire, une relation sexuelle ne peut se limiter aux termes d’un contrat…
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Entretien avec Gina Kim
- : « Une femme qui vit dans un milieu aisé et dont le désir inassouvi de devenir mère la conduit à recruter un inséminateur, c’est un drame assez classique. Mais avoir un mari et un amant coréens, dans la société new-yorkaise actuelle, c’est plus rare. Pouvez-vous nous parler de votre approche de cette question raciale ? »
Gina Kim : « La question raciale est présente depuis le début du projet de Never forever. J’ai écrit cette histoire quand j’ai commencé à enseigner à l’Université d’Harvard. Je n’avais jamais vécu sur la côte Est auparavant et je fus assez frappée par l’absence de diversité ethnique à Boston. J’y suis devenue plus consciente de ma nationalité : coréenne née et élevée en Corée, je ne me posais pas ces questions de race. J’ai découvert la manière dont les Asiatiques sont perçus par les majorités blanches aux États- Unis. J’étais consciente de la manière dont les femmes d’origine asiatique sont hyper sexualisées dans la culture populaire américaine, mais j’avais très peu de notions de la manière dont l’homme asiatique est perçu. Il est plutôt largement désexualisé : il est très rare qu’il soit décrit comme objet de désir aux États-Unis. Après m’être penchée sur cette question, j’ai constaté que c’était avant tout une affaire de classe sociale. La classe ouvrière asiatique, la première génération d’immigrés, en général pauvre, est rarement associée à la sexualité, au contraire des travailleurs Latino, par exemple. À l’autre bout du spectre, la haute société asiatique est constituée d’hommes supposés suffisamment désirables pour intéresser les femmes blanches. J’ai voulu pervertir ce stéréotype : Jihah est un immigrant pauvre, mais j’ai voulu le décrire comme sexuellement attirant. Andrew est l’asiatique sexy idéal, mais ses spermatozoïdes sont faibles et donc, il se trouve déclassé sexuellement. »
- : « Quelles sont vos influences cinématographiques ? Compte tenu du sujet de votre film, on pense à des films comme Le mirage de la vie de Douglas Sirk ou Loin du paradis de Todd Haynes. »
G. K. : « Au départ, certains films de Douglas Sirk ou des films européens comme Belle de Jour ont pu m’influencer. Mais plus encore, ce sont les films coréens des années 60. Je donnais un cours de cinéma coréen classique à Harvard quand j’ai mis en route le projet de Never forever. J’ai eu la chance d’avoir accès à des copies 35 mm de classiques pour mes cours. Je les connaissais, mais en les revoyant plus en détail, je les ai trouvés incroyablement subversifs – à la fois sur le plan esthétique et dans leur contenu. Des films comme Jayu Buin (1969), Hanyo (1960) ou encore Sarangbang Sonnimgwa Eomeoni (1961) m’ont profondément touchée par leur description des personnages féminins. Ces femmes sont toutes guidées par leurs désirs propres et se battent pour les satisfaire. Le dénouement de ces films est souvent loin d’être satisfaisant, mais ils m’ont néanmoins inspirée. Je me suis demandée ce qui se passerait si je mettais ce type de femmes dans un univers contemporain. »
- : « Pourquoi avoir choisi Vera Farmiga pour le rôle de Sophie ? »
G. K. : « Never forever n’est pas un film de dialogues et je cherchais donc quelqu’un qui n’ait pas à jouer le rôle, mais qui puisse vraiment l’habiter. J’ai d’abord vu Vera dans Down to the bone de Debra Branik. J’ai été frappée par sa performance. Elle a la capacité de s’effacer derrière le personnage qu’elle joue. Il n’a fallu qu’un rendez-vous au café pour me confirmer qu’elle était Sophie. Elle est à la fois diaphane et mystérieuse. Son corps crée aisément une tension cinématographique, avec peu d’images. Son visage se lit comme une carte où sont tracés ses sentiments. C’est grâce à sa présence que j’ai pu me dispenser de dialogues trop explicatifs. L’alchimie entre Vera et Jung-Woo a été au-delà de mes attentes. Ils n’ont pas souhaité se rencontrer avant le tournage, afin de préserver le mystère de la première rencontre. C’est pour cette raison que j’ai tourné les scènes de sexe dans l’ordre chronologique, pour exploiter le malaise et la tension existant dans la vraie vie. C’était assez risqué mais ça a très bien fonctionné : l’intimité entre les deux acteurs s’intensifiait de scène en scène ! »
- : « Jiha est coréen, pourtant, plutôt que vivre en ville dans un quartier plus typiquement coréen, il habite à Chinatown. Pourquoi ? »
G. K. : « C’était pour dépeindre Jihah comme étranger jusqu’au bout. Bien sûr, il souffre déjà d’un isolement total puisqu’il est clandestin aux États-Unis. Mais il refuse aussi de s’intégrer à la communauté coréenne et choisit de vivre à Chinatown. Il est obsédé par l’idée de vivre son rêve américain à lui, à sa manière. Je voulais que Jihah soit doué d’une volonté forte, qu’il ne craigne pas la solitude, qu’il n’ait pas peur de compromettre son intégrité en se faisant passer pour un autre. »
- : « Comment justifiez-vous le dénouement du film ? »
G. K. : « Je crois qu’il est assez clair que le bébé dans le ventre de Sophie est celui de Jiha, mais je n’ai pas voulu être trop explicite. Pour moi la vraie question est : est-elle heureuse ? Est-elle parvenue à ce qu’elle désirait ? Et non avec qui est-elle ? – ce qui différencie le propos ici d’un mélodrame plus commun. Dans Never forever, l’homme avec lequel elle reste n’est pas la vraie question. Dans ce contexte, Never forever peut être considéré comme une sorte de récit d’apprentissage au féminin plus que comme un mélo. En ce qui concerne la fin, je voulais qu’il soit évident qu’elle avait suivi ses désirs et trouvé le bonheur recherché. La meilleure manière de l’exprimer était de la montrer à nouveau enceinte, puisque la grossesse a pour Sophie une signification bien particulière. Le foetus est aussi l’élément qui lui permet de prendre conscience de ce qu’elle cherche dans la vie. C’est son désir, son rêve et, à la fin, sa vie. Ainsi, quand Sophie dit, dans sa confrontation avec Andrew, ce bébé est le mien, elle ne parle pas tant de maternité que de l’expression d’un désir de vivre sa vie à elle. L’ironie est que tout a commencé en forme de sacrifice pour son mari et finalement brouille les frontières entre les deux stéréotypes de la femme : la maman et la putain. »
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Fiche technique
Scénario et réalisation : Gina Kim
Musique : Michael Nyman
Montage : Pete Beaudreau
Photographie : Matthew Clark
Décors : Lucio Seixas
Costumes : Tere Duncan
Production : Joon-Dong Lee, Chang-Dong Lee et Andrew Fierbertg
Production éxécutive : Jong-Jin Baek et Sang-Han Shin
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