• Le fils de l’épicier

Publié le par 67-cine.gi-2007













Le fils de l’épicier comédie de Eric Guirado




avec :
Nicolas Cazalé, Clotilde Hesme, Daniel Duval, Jeanne Goupil, Stéphan Guérin Tillié, Liliane Rovère, Paul Crauchet, Chad Chenouga, Benoît Giros et Ludmila Ruoso


durée : 1h36
sortie le 15 août 2007

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Synopsis
C'est l'été et Antoine doit quitter la ville pour aider sa mère qui tient l'épicerie dans un village du Sud de la France.
Son père, malade, ne peut plus conduire le camion qui ravitaille les hameaux isolés.
Antoine découvre alors le charme de ces derniers habitants, tous têtus, drôles, bons vivants, parfois teigneux. Antoine va retrouver le pays de son enfance, la joie de vivre, et peut être l'amour…


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Entretien avec Eric Guirado
- : « Comment vous êtes-vous intéressé aux camions épiceries ? »

Eric Guirado : « Il y a quelques années, j'ai réalisé pour France 3 plusieurs portraits intimistes de professions itinérantes, comme les boulangers, les photographes ambulants, les mariniers, en région Rhône-Alpes et en Auvergne. Je passais mon temps sur les routes, en tournage. J'étais fan de road-movies et de Là-bas si j'y suis, l'émission de Daniel Mermet : comme lui, j'adorais suivre des personnages, découvrir leur quotidien que je trouvais exceptionnel, et transmettre leur histoire. Mais c'est après mon premier long métrage, Quand tu descendras du ciel, que j'ai commencé à tourner des documentaires-portraits d'épiciers ambulants : j'avais besoin de revenir à une forme intime et personnelle de tournage, et de me « frotter » au cadre et à la lumière sur une mise en scène réaliste. Pendant un an et demi, j'ai donc suivi des épiciers itinérants entre la Corse du sud, les Pyrénées et les Hautes-Alpes. »

- : « A quand remonte le projet du Fils de l'épicier ? »

E. G. : « Les ébauches du scénario remontent à 2000 : il s'appelait à l'époque Antoine et ses nuages et aurait dû être mon premier long métrage. Pour diverses raisons, je l'ai mis de côté en me disant que j'y reviendrais forcément un jour. Lorsque j'ai tourné les portraits des camions épiciers, c'était aussi dans l'idée de nourrir mon écriture et de confronter mon imagination aux réalités du terrain. »

- : « Comment s'est passée l'écriture avec Florence Vignon ? »

E. G. : « Cela a été non seulement une collaboration avec Florence, mais aussi avec mes producteurs. Nous avons travaillé à partir d'une première version : un récit très riche qui avait besoin d'être recentré, rééquilibré. Je souhaitais parler d'une sorte de quête, d'une épopée en milieu rural, avec des répercussions profondes sur mon personnage. Avec Florence nous avons ancré l'errance d'Antoine dans un récit beaucoup plus concret, c'est devenu un parcours initiatique et un vrai cheminement, au propre comme au figuré. »

- : « Le film dépeint une famille qui a éclaté, et dont les liens se sont désagrégés… »

E. G. : « Ce qui relie les membres de la famille, c'est cette zone d'ombre faite de non-dits et de malentendus : les personnages se parlent très peu et, lorsqu'ils s'adressent la parole, ils se mentent ou s'arrangent avec la réalité. Mais, au fond, il s'agit pour moi d'une famille assez banale, qui n'a pas une histoire particulièrement remarquable et qui tente de s'en sortir en menant une vie simple - jusqu'à l'écoeurement pour Antoine qui a vu son horizon se rétrécir et a préféré fuir. »

- : « Hormis Claire, les personnages sont souvent maladroits et peinent à exprimer leurs sentiments… »

E. G. : « Ce sont des êtres réservés, discrets, timides ou pudiques qui ne cherchent pas forcément à dépasser leur condition, et qui sont velléitaires. Cela les rend tour à tour agaçants et attachants. Ils me font penser à certains personnages d'Alice dans les villes ou de Paris, Texas de Wim Wenders qui s'expriment peu mais qui avancent quand même. »

- : « Le film évoque une campagne où ne subsistent pratiquement plus que les anciens … »

E. G. : « C'est le reflet de ma propre histoire et de mon expérience documentaire dans le sud de la France. Les habitants qu'on voit dans le film tentent de demeurer dans leur village aussi longtemps que possible, par goût comme par fierté. Et les commerces ambulants leur offrent une forme d'autonomie. Certaines personnes âgées se forcent même à marcher tous les jours jusqu'au camion épicerie pour entretenir leur forme physique et maintenir un minimum de lien avec les autres. L'isolement de ces gens me touche beaucoup. Un facteur me racontait que dans les coins retirés, certaines personnes s'abonnent à la presse quotidienne régionale parce cela leur garantit de voir le facteur tous les jours, et donc d'avoir un contact, une discussion avec au moins une personne dans la journée. C'est pareil pour les épiciers ambulants. »


- : « La relation entre Antoine et Lucienne (Liliane Rovère) est très forte. »

E. G. : « Au début du film, Antoine n'est pas dans une posture de grande générosité vis-à-vis des autres, alors qu'il a beaucoup à apprendre de son entourage. Lucienne est la seule qui ose lui dire ses quatre vérités et le traiter de petit con ! Elle n'hésite pas à le remettre à sa place et à lui ouvrir les yeux sur d'autres réalités que la sienne. Mais à sa manière, le personnage incarné par Paul Crauchet, le Père Clément, participe aussi à l'évolution d'Antoine. Paul Crauchet et Liliane Rovère ont eux-mêmes des personnalités qui sont des formidables moteurs et ils ont parfaitement senti ce que j'attendais de leurs personnages. »

- : « Dès le début, vous imprimez un tempo enlevé au film… »

E. G. : « Le scénario avait cette dynamique, j'ai enfoncé le clou au tournage. Je voulais qu'Antoine soit bousculé, qu'il soit pris dans un mouvement qui le sorte de sa condition, de ses préjugés, et qu'il soit emporté un peu malgré lui. Malgré une forte résistance initiale (au début, il n'est centré que sur ses désirs), Antoine finira par s'ouvrir aux autres : apprendre à les écouter, à les regarder, à être attentif à eux. Pour lui, c'est une révolution intime. Et comme toutes les révolutions, cela ne peut se passer calmement, en douceur. Avec la campagne en toile de fond, c'est ce qui était au coeur de mon attention chaque jour du tournage. »

- : « Vous filmez amoureusement cette campagne… »

E. G. : « Bien sûr, j'ai grandi à la campagne, j'ai un rapport affectif très fort à cet univers. Très jeune, j'ai commencé à faire de la photo dans la nature : j'essayais de capter les lumières, les courbes, et toutes les palettes de matières et de couleurs que peut offrir une forêt par exemple. J'en ai gardé une grande sensibilité, mais aussi une certaine méfiance : au montage, je débusque les moments qui me semblent trop beaux et qui ne servent pas le récit, autrement dit, les plans qui détournent l'attention du sujet initial. »

- : « D'où est venue l'idée de la fresque improvisée sur le camion ? »

E. G. : « Dès le début, je voulais que Claire, jeune femme très espiègle, apporte une vraie dimension de fantaisie au personnage plutôt taciturne d'Antoine. A la limite, je l'aurais bien vue lui coller un nez de clown et lui barioler le visage pour lui arracher un sourire ! Et justement, lorsqu'elle se met à peindre le camion, elle injecte de la vie dans ce village éteint, et bouscule les habitudes de ses habitants. C'est une bourrasque qui vient secouer cette campagne endormie. Il y a presque quelque chose de blasphématoire dans sa manière de peindre le sacro-saint camion du père. »

- : « Comment avez-vous choisi Nicolas Cazalé qui interprète Antoine ? »

E. G. : « Au départ, je craignais qu'il ne soit trop beau pour le rôle ! Mais je me suis aperçu que c'était un garçon discret, modeste et peu bavard : très vite, j'ai vu les points communs que nous avions. Il a un vrai côté sombre et une grande retenue : on se dit qu'il garde beaucoup de choses en lui. Sans vouloir que mes comédiens aient le parcours de mes personnages, j'ai pensé qu'il y aurait une vraie connivence entre Nicolas et Antoine. Par ailleurs, j'étais convaincu qu'il saurait s'adapter aux comédiens non professionnels qui peuvent s'avérer déstabilisants pour un acteur, et l'inverse a marché aussi, il a offert l'espace nécessaire pour que le petit monde autour du camion s'adapte à lui. »


- : « Et Clotilde Hesme ? »

E. G. : « J'ai immédiatement senti chez elle une fougue extraordinaire ! Je voulais une comédienne qui ait du caractère et soit émouvante. Je cherchais quelqu'un qui puisse incarner une bourrasque. Il fallait aussi qu'elle ait suffisamment de force pour tenir tête à Antoine et le bousculer, tout en étant capable de résister à l'histoire d'amour potentielle qui se noue entre eux, et qui risquerait de bouleverser ses projets. Je souhaitais qu'on ressente cette détermination dans son regard. Dans le même temps, elle a de l'humour et une certaine légèreté. »

- : « Daniel Duval ? »

E. G. : « J'ai senti comme une évidence qu'il devait interpréter le père d'Antoine. Ils dégagent tous les deux une même pudeur, une approche des autres à la fois rugueuse et humaine. La ressemblance physique est assez troublante et j'aime beaucoup ce que Daniel apporte dans son travail : générosité, sérieux, enthousiasme, humilité. »

- : « Comment avez-vous choisi les interprètes des villageois ? »

E. G. : « Je les ai rencontrés et j'ai ouvert grand mes yeux et mes oreilles pour trouver les bons ! La plupart des villageois sont des non professionnels, mais qui, pour certains, ont une grande habitude de la figuration ou font un peu de théâtre amateur. Cela nous a facilité la tâche car ces expériences leur ont donné une meilleure compréhension de ce que représente le tournage d'un film. »

- : « Avez-vous eu recours à l'improvisation avec eux ? »

E. G. : « C'est de l'improvisation guidée : je savais où je voulais aller, mais je leur ai laissé la liberté d'y aller à leur rythme ! Je me suis beaucoup appuyé sur leur générosité : je leur expliquais, par exemple, que tel matin Antoine allait se montrer désagréable, et qu'ils devaient alors lui répondre sur le même ton, avec leurs mots. Ils se sont vraiment pris au jeu et cela a produit des résultats étonnants. »

- : « Comment avez vous pensé la musique ? »

E. G. : « En général, je sais à l'avance quelle musique je vais utiliser. Pour Le Fils de l'épicier, qui raconte le retour d'Antoine dans son village natal et où la nature est très présente, je souhaitais m'orienter vers des sonorités folk. Avec la production, nous avons choisi Christophe Boutin parce qu'il est parvenu à la sensibilité et à la simplicité que je recherchais. »

- : « Pourquoi avez-vous fait appel à Laurent Brunet pour la photo ? »

E. G. : « Il a une grande expérience du documentaire et du Super 16. J'aime beaucoup les éclairages qu'il a réalisés pour les films de Raphaël Nadjari, son regard, son approche des personnages et du récit. Je savais qu'il éviterait tout esthétisme et qu'on pourrait chercher ensemble à filmer cette histoire avec la justesse et la distance nécessaires. »

- : « Comment votre regard de documentariste a-t-il nourri votre point de vue sur les personnages du film ? »

E. G. : « A Paris, les gens ont une vision faussée et clichée de la province. Pour moi, c'est un lieu de contrastes, de paradoxes, que j'ai toujours filmé avec envie et curiosité. Le documentaire a été pour moi l'occasion rêvée de m'approcher des gens, de partager leur quotidien. J'aime rechercher, en documentaire, l'humanité des gens, des héros minuscules effacés dans le paysage et je m'efforce de révéler ce qu'il y a d'exceptionnel en eux, sans complaisance, mais avec discernement et pudeur. Le portrait d'un vieux berger dans le pays de Gex fait il y a plus de dix ans m'inspire encore aujourd'hui, à chaque fois que j'aborde la construction de mes personnages. »


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Fiche technique
Réalisation : Eric Guirado
Scénario : Eric Guirado et Florence Vignon
D’après une idée originale de : Eric Guirado
Production Déléguée : Miléna Poylo et Gilles Sacuto
Image : Laurent Brunet
Son : Nicolas Favre
Casting : Brigitte Moidon
1er Asst. Réalisateur : Dominique Heinry
Scripte : Sara Prim
Décors : Valérie Faynot
Costumes : Ann Dunsford
Montage : Pierre Haberer
Musique : Christophe Boutin
Mixage : Emmanuel Croset
Directeur de production : Christophe Désenclos
Régisseur général : Pierre-Yves Jourdain
Une co-production : TS Productions et Rhône Alpes Cinéma
Avec la participation de : Canal+
Avec le soutien de : la Région Rhônes Alpes, la Région Provence Alpes Côte d'Azur et du Centre National de la Cinématographie
En association avec : la Sofica Cofinova 3
Avec le soutien de : la Procirep et de l'Angoa-Agicoa
Distribution et Ventes internationales : Les Films du Losange

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présentation réalisée
avec l’aimable autorisation de



remerciements à Mathieu Berthon, Régine Vial et Audrey Sanchez

logos, photos & textes © www.filmsdulosange.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

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