• Notre pain quotidien

Publié le par 67-cine.gi-2007













Notre pain quotidien (Unser tägliches brot) documentaire de Nikolaus Geyrhalter





avec :
Claus Hansen Petz, Arkadiusz Rydellek, Barbara Hinz, Renata Wypchlo, Alina Wiktorska, Ela Kozlowska, Anna Bethke et Malgorzata Nowak

durée : 1h32
sortie le 14 mars 2007

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voir les horaires du film dans le cadre du festival Vu d'Allemagne



au cinéma


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Synopsis
Pendant deux ans, Nikolaus Geyrhalter a placé sa caméra au coeur des plus grands groupes européens agricoles, nous donnant accès des zones inaccessibles. Il a filmé les employés, les lieux et les différents processus de production pour réaliser un documentaire cinéma qui interroge et implique intimement chaque spectateur.
Avec Notre pain quotidien, le réalisateur ouvre une fenêtre sur l’industrie alimentaire de nos civilisations occidentales modernes. Réponse à notre sur-consommmation, la productivité nous a éloigné d’une réalité humaine pour entrer dans une démesure ultra-intensive qui a rejoint les descriptions des romans d’anticipation.
Cadrages minutieusement composés, images cristallines, montage fluide construisent un film sans commentaire, sans propagande, dont les images parlent et demeurent.
Notre pain quotidien questionne, inquiète et fascine.


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Entretien avec Nikolaus Geyrhalter
Sylvia Burner : « Qu’est-ce qui vous a poussé à réaliser ce film ? »

Nikolaus Geyrhalter : « Je fais des films que j’aimerais voir. Je suis fasciné par les lieux, les espaces que l’on n’a pas l’habitude de voir. C’est le cas de mes films Pripyat et Elsewhere. La production agroalimentaire fait partie d’un système clos qu’on connaît mal. Les images publicitaires qui montrent un beurre issu d’une petite ferme avec toute une diversité d’animaux n’ont rien avoir avec la réalité. Nous sommes tenus à l’écart de la façon dont nos aliments sont produits. Il est important de le faire savoir. »

S. B. : « Notre pain quotidien, comme vos autres films, n’a pas recours au commentaire en voix off. Dans ce cas précis, il n’y a pas d’entretiens non plus… »

N. G. : « J’envisage mes films comme une série de plans en mouvement pouvant aussi inclure des entretiens. Dans ce cas précis, les univers de travail se suffisent à eux-mêmes. Les individus travaillent dans des lieux qui sont vides autrement. Ils parlent très peu pendant le labeur. Au départ, nous avons mené un certain nombre d’entretiens. Wolfgang Widerhofer a débuté le montage tandis que nous continuions le tournage. Nous avons alors réalisé que ces entretiens avaient tendance à déranger, à troubler notre rapport au film. Nous avons ainsi opté pour une forme plus radicale, correspondant à la façon dont les images avaient été tournées. Il s’agit de montrer des situations de travail en laissant, à travers de longues séquences, suffisamment d’espace à la pensée, aux associations. Les spectateurs peuvent ainsi plonger dans cet univers et se faire leur propre opinion. »


S. B. : « Vous ne faites référence à aucune société ou information particulière »

N. G. : « Ça ne sert à rien de préciser si l’établissement qui élève des poussins se trouve en Autriche, en Espagne ou en Pologne, ou de donner le chiffre exact de porcs exterminés chaque année dans l’abattoir que l’on voit dans le film. Ça, c’est le travail des journalistes, de la télévision, et non pas d’un long métrage. Les choses sont trop faciles lorsqu’on nous mâche l’information. En général cela m’affecte sur le coup, je me mets dans tous mes états. Mais on finit par remettre les choses en perspective, comme pour ces nouvelles sensationnelles qui, jour après jour, assaillissent les journaux avec leur côté vendeur. Tout cela vient ternir, fausser notre vision du monde. Ce film permet de porter un regard au-delà des structures. Il laisse le temps, par le son, les images. Il est alors possible de réfléchir à la façon dont sont produits nos aliments de base, chose que l’on ignore souvent. »

S. B. : « Avez-vous eu des difficultés à obtenir des autorisations de tournage ? »

N. G. : « Avec certaines sociétés cela a été facile. Fières de leur travail, de leurs innovations, de la sûreté de leurs produits, elles ont acceptée de participer au projet. Grâce à mes films précédents, les portes se sont ouvertes plus facilement. Quelques employés étaient également sensibles au problème de la mise à l’écart du consommateur eût égard à la production agroalimentaire. Ceci étant, de nombreuses sociétés ont eu peur de la publicité, des conséquences éventuelles d’un tel film. Il y a tant de scandales sur le sujet, qu’elles ont préféré qu’on aille tourner chez le concurrent… »

S. B. : « Mais ce film ne vise pas à faire scandale ? »

N. G. : « J’ai voulu recueillir et diffuser des images qui soient les plus objectives possible. Ce qui est fascinant, c’est de voir toutes ces machines, tout ce qu’on peut réaliser avec, mais aussi la capacité de l’homme à inventer, à organiser, au point qu’il en frise parfois l’horreur et l’apathie. Plantes et animaux sont traités au même titre que n’importe quelle marchandise. Le système doit se dérouler sans incident.
Il est essentiel que les animaux naissent, soient élevés et conservés de façon efficace et rentable.
Ils doivent êtres frais, intacts à leur arrivée à l’abattoir; leur taux de médicaments et d’hormones liées au stress, se devant d’être inférieur aux limites établies par la loi. Personne ne s’inquiète du bien-être de ces bêtes. Si cela vous scandalise – à raison - poussons le raisonnement plus loin. Car c’est bien notre manière de vivre qui est scandaleuse; cette économie, cette efficacité sans âme étant intrinsèquement liée au mode de vie de nos sociétés. Il n’y a rien de mal à acheter des produits bios, à vouloir manger moins de viande ! Mais c’est aussi une excuse. Nous apprécions tous les fruits de l’automatisation, de l’industrialisation, d’une globalisation qui suit son cours et dont les répercussions vont bien au-delà de l’agroalimentaire…
»


S. B. : « Le titre Notre pain quotidien a-t-il des résonances religieuses ? »

N. G. : « Le titre fait référence à notre histoire culturelle. Quand on considère la façon dont l’homme traite ses ressources, les êtres vivants qui l’entoure, cette association religieuse devient alors d’autant plus grossière. On pourrait aller encore plus loin et dire : pardonnez nos offenses. Mais dans ce titre on retrouve aussi l’idée de gagner son pain quotidien, la question d’une vie normale, du rapport de l’homme au travail, la façon dont cela a pu changer. Qui contrôle les machines ? Qui creuse la terre à main nue, qui cueille les concombres ? Comment notre pain quotidien est-il distribué au sein de l’Europe contemporaine. »

S. B. : « Le film témoigne-t-il de l’histoire contemporaine ? »

N. G. : « Je pense que oui. J’envisage mes films comme des documents d’archives qu’on pourrait retrouver dans 50 ou 100 ans en se disant : ils faisaient déjà comme ça à l’époque ou ils faisaient encore comme ça à l’époque… C’est ainsi que les choses commencent ou finissent. Au niveau de la forme, j’essaie d’être intemporel, d’éviter le : c’est à cela que les films ressemblaient à l’époque.
Il m’importe de saisir un moment dans le temps, une petite parcelle de l’histoire. C’est particulièrement vrai pour ce film.
»

traduction Séverine Kandelman


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Fiche technique
Réalisateur : Nikolaus Geyrhalter
Montage : Wolfgang Widerhofer
Scénario : Nikolaus Geyrhalter et Wolfgang Widerhofer
Directeur de la photographie : Nikolaus Geyrhalter
Ingénieur du son : Stefan Holzer
Producteur : Nikolaus Geyrhalter, Michael Kitzberger et Wolfgang Widerhofer
Producteur exécutif : Markus Glaser
Production : Nikolaus Geyrhalter Filmproduktion
Distribution : Kmbo

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de



remerciements à Nolwenn Thivault, Myriam Gast Loup, Sarah Terrisse et Vladimir Kokh

logos, textes & photos © www.kmbofilms.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

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