• Héros

Publié le par 67-cine.gi-2007













Héros thriller de Bruno Merle








avec :
Michaël Youn, Patrick Chesnais, Raphaël Benayoun, Jackie Berroyer et Elodie Bouchez

durée : 1h56
sortie le 20 juin 2007

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Synopsis
Pierre Forêt est drôle, et c’est son drame. C’est aussi son métier : il est chauffeur de salle à la télé.
Pierre Forêt est drôle, mais il aurait préféré être beau. Ou alors comédien. Ou chanteur. Question de crédibilité.
Pierre Forêt n’en peut plus. Ça fait six nuits qu’il ne dort plus.
Il a enlevé Clovis Costa, le chanteur, l’Idole, et le séquestre dans l’appartement de son enfance.
Aucune issue.


***

Rencontre avec Bruno Merle, réalisateur et scénariste
Gilles et Pascale Legardinier : « Comment est né le projet ? »

Bruno Merle : « Difficile de situer la naissance du projet. Je fonctionne toujours de la même manière, laissant les histoires se construirent dans ma tête, presque malgré moi, sans rien poser sur le papier, s’alimentant naturellement de conversations avec ma co-scénariste Emmanuelle Destremau. Un jour, le projet nous a semblé suffisamment mûr et nous nous sommes mis devant l’ordinateur.
Cette première phase d’écriture est assez jouissive, dans l’imagination brute, dégagée des contraintes de faisabilité. Très vite, on a rencontré Les Films du Requin, qui se sont tout de suite enthousiasmés. C’était il y a quatre ans et leur enthousiasme n’a pas faibli. Ensuite, il y a eu la deuxième phase de réécriture, beaucoup plus technique et laborieuse, mais qui avec le recul, n’a que très peu abîmé ce qui pour nous était l’essentiel.
Héros, c’est l’histoire d’un homme qui voudrait qu’on pleure plutôt qu’on rie. Qui voudrait émouvoir, les autres, les filles, une fille en particulier, parce qu’au bout du compte tout se fait au nom d’une fille.
C’est aussi avant tout, une prise d’otage, un homme qui enlève une star, l’idole d’un pays, de son enfance, une figure paternelle. C’est un face-à-face.
J’ai auparavant écrit d’autres histoires. Des histoires souvent sombres (mais rarement désespérées) et je me suis donc très tôt confronté au système de financement des films qui, on le sait, a tendance à craindre la noirceur. Pour moi, c’est un des sujets de
Héros, un individu qui clame son droit à la tristesse, et en cela ma démarche rejoint celle de mon personnage. C’est important aussi de filmer la douleur, de proposer au spectateur une représentation de sa propre souffrance, surtout dans une époque qui voue un culte exclusif au divertissement. »

G. & P. L. : « Comment avez-vous construit votre histoire ? »

B. M. : « Le principe du huis-clos est venu très vite, comme un défi. Mais je suis nourri de cinéma, et je ne voulais pas que ce huis-clos tombe dans le travers habituel et se transforme en pièce de théâtre filmée. Je voulais travailler la mise en scène, la narration, pour que ce soit un pur objet de cinéma. Cette espèce de déstructuration du récit qui fait le récit en lui-même, est venue de cette envie de cinéma. L’histoire est une sorte d’arborescence. Je fonctionne comme cela : j’ouvre plein de choses et puis je les referme peu à peu ensuite, jusqu’à la dernière, sans forcément répondre à toutes les questions. J’aime construire mes histoires sur la frustration du spectateur qui se résout peu à peu. Les rebondissements, les retournements de situation, sont aussi nés de cela. Du désir de satisfaire le spectateur dans un plaisir de cinéma basique. Je n’avais pas du tout envie d’un film abstrait, intellectualisant. On est dans le ressenti, le vécu. »

G. & P. L. : « Avez-vous des points communs avec Pierre ? »

B. M. : « Michaël Youn prétend que j’ai beaucoup de points communs avec lui. Il se trouve que lui aussi en a beaucoup ! Comme Pierre, je suis un musicien frustré, je ne fais du cinéma que pour mettre des images sur des musiques.
Sinon, mon principal point commun avec lui est une naïveté primaire, presque infantile, que j’assume totalement.
Héros, son personnage, et moi-même, fonctionnons seulement au premier degré, sans cynisme.
Je crois que je suis parfois aussi grandiloquent que lui, que j’ai cette vision romantique, énorme, très
Cyrano de Bergeracquienne des choses. »


G. & P. L. : « Le film est très humaniste par son propos, et sur la forme il prend un aspect assez expérimental par moments, entre maîtrise formelle et variations de styles… »

B. M. : « La génération des réalisateurs d’aujourd’hui a une grande chance : il existe déjà un long passé de cinéma derrière nous, d’autres formes d’images sont apparues avec la télé et les nouvelles technologies plus récemment. On peut se nourrir aujourd’hui sans dogmatisme de styles très différents. Ma base est très classique, Hitchcock avant tout, la maîtrise, le classicisme, au service du spectateur mais depuis il y a eu beaucoup d’autres choses qui m’ont aussi intéressé. Requiem for a dream de Darren Aronofsky pousse cela à un niveau maximum. C’est extrêmement expérimental, mais les séquences les plus fortes, les plus émouvantes, sont en réalité très simplement filmées.
Si la mise en scène compte beaucoup pour moi, je place les personnages au-dessus de tout. J’avais envie que la priorité soit toujours à leur l’émotion, à leur intimité. La mise en scène est en retrait dans ces moments là, et elle est plus en avant quand on est dans l’action.
J’avais aussi envie de placer les gens dans une situation de réalisme absolu, mais de leur donner parfois un recul par rapport à tout ce qu’ils voient. En impliquant le spectateur par la forme, je l’invite de manière insidieuse à faire la connaissance d’un homme. C’est un type qui a un côté grenade dégoupillée au début et dont l’humanité se dévoile petit à petit. Ce n’est qu’un héros banal des temps modernes.
»

G. & P. L. : « Comment avez-vous choisi vos comédiens ? »

B. M. : « J’ai d’abord écrit le film, et ensuite seulement réfléchi aux comédiens. Mais Michaël Youn est le premier que j’ai envisagé. Il y avait une espèce de proximité évidente entre lui et le personnage. Peut-être d’ailleurs que Michaël a trouvé une résonance en lui. Il a un vrai talent comique reconnu; en même temps, il y a chez lui une faille qui saute aux yeux, une espèce d’hypersensibilité. Pour moi, il n’est pas du tout dans le contre-emploi, j’insiste là-dessus. Le personnage est un mec drôle, immature, sensible, c’était assez naturel de s’adresser à Michaël. Il est devenu l’incarnation de ce que j’avais imaginé, au-delà de tout ce que j’avais pu espérer et m’a offert en plus un vrai plaisir de travail. Le métier de comédien est difficile, ils sont souvent à part, en retrait dans leur loge, à maintenir leur concentration malgré le fracas du plateau. Michaël, c’était tout le contraire, il était le premier arrivé, il saluait tout le monde, il était avec nous, il venait même quand il ne tournait pas. Il était membre de l’équipe à part entière. C’est un travailleur forcené, il s’investit dans ce qu’il fait, même quand c’est ce qu’il appelle de la gaudriole. »

G. & P. L. : « Etiez-vous conscient d’appuyer autant le personnage sur les allers-retours avec sa personnalité à lui ? »

B. M. : « La première scène sert à régler ça, justement : c’est le pont entre ce qu’on connaît de lui et là où je souhaite amener les gens. C’est ma manière de dire vous venez voir Michaël Youn, je vous en donne cinq minutes, après c’est réglé on passe à autre chose. Cette scène était écrite avant que Michaël donne son accord, elle aurait existé même si ça n’avait pas été lui qui avait joué Pierre, mais cela tombe remarquablement bien. De toute façon, je voulais faire ce film avec quelqu’un qui ait un talent comique évidemment, mais aussi une dimension physique, corporelle, animale. »

G. & P. L. : « Comme dans l’histoire,votre film marque une rencontre, celle de Michaël Youn et de Patrick Chesnais… »

B. M. : « Patrick Chesnais est un acteur que j’admire depuis toujours. C’est un comédien qui s’inscrit dans une tradition des grands acteurs français, mais il a un ton bien à lui qu’il cultive de film en film. A priori, il n’y avait pas de lien entre Patrick et son personnage, c’était un peu un pari. Je trouve que c’est le comédien français le plus juste dans son ton. On peut lui demander de jouer n’importe quoi, il sera toujours dedans. J’avais vraiment très envie de tourner avec lui. Il apporte une dimension très forte à son personnage. Les confrontations ne seraient pas aussi puissantes s’il n’avait pas été en face de Michaël. D’ailleurs le public ne s’y trompe pas. C’est un comédien extrêmement populaire. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui ne l’aime pas. Il réunit tous les publics.
Le rapport de Michaël à Patrick était très intéressant sur le plateau, il y avait une étonnante proximité avec le rapport des deux personnages. Beaucoup de respect, et de curiosité ; j’avais d’ailleurs fait en sorte qu’ils ne se voient pas avant le tournage, pour que la rencontre se fasse sur la pellicule.
»

G. & P. L. : « Et les autres comédiens ? »

B. M. : « Elodie Bouchez est une comédienne qui ose l’émotion, et j’avais envie de cela. Sur le tournage, il s’est passé quelque chose d’incroyable. Je dois avouer que ma façon de tourner est très précise, je répète beaucoup avant pour être très technique au moment du tournage, et du coup je ressens rarement la magie au moment où je filme. Quand on a tourné avec Elodie, le procédé de mise en scène était très différent du reste du film. On était dans une autre configuration de tournage, avec une équipe réduite, en Espagne, au soleil et nous devions aller vite. La mise en scène se voulait très épurée et tout reposait sur Elodie. Elle a joué sa scène et j’ai vu tous les gens complètement embarqués par une émotion immédiate, brute, comme je l’étais moi-même. C’était très fort, intense. En plus, elle nous l’a fait dix fois de suite, et différemment ! J’ai été très impressionné par son travail.
Jackie Berroyer a dû tourner trois jours alors que nous étions déjà une famille, enfermés ensemble. Il a apporté du jour au lendemain une autre énergie sur le plateau. Il a tout donné. Physiquement, c’était impressionnant, il était en nage, il s’est totalement investi. Pendant la prise, les gens se retenaient de rire pour exploser après. C’était le moment le plus ludique du tournage.
»


G. & P. L. : « Vous dites que vous préparez beaucoup, laissez-vous une place pour l’improvisation ? »

B. M. : « Pratiquement pas. J’ai un découpage très précis, qui indique les emplacements caméra, les mouvements, après on revoit tout dans le décor avec le chef opérateur et le premier assistant . La seule place que je laisse à l’improvisation, c’est pour que le comédien soit à l’aise dans ce qu’il joue. Si au tournage, je vois que ça ne fonctionne pas, si l’acteur ne le sent pas, je m’adapte. La chance, avec Michaël, c’est qu’il a une vraie vision de la mise en scène, on s’est très bien compris.
Je fais le plus possible de répétitions. Avec Michaël, on en a fait énormément, il était en demande de ça. Je voulais en avoir beaucoup avant pour ne pas avoir à me préoccuper de ça pendant le tournage, pour se connaître déjà, avoir un langage commun, une perception commune du personnage. Quant à Patrick, j’ai bien senti que ce n’est pas sa façon de travailler, et j’ai décidé de lui faire confiance.
»

G. & P. L. : « Le film se déroule quasiment dans un décor unique… »

B. M. : « Nous avons tourné dans un ancien bâtiment abandonné de l’Ecole Normale dans le parc de Saint-Cloud. Nous y avons créé un appartement complet.
Pour les couleurs, je suis très cinéma asiatique. Le chef opérateur, Georges Diane, a beaucoup éclairé au néon, ce qui accentue le côté oppression, et les lumières tombent en douche sur les visages. Mais j’avais aussi envie que petit à petit, le film devienne baroque, je voyais des couleurs plus vives sur certaines choses, à certains moments. Le film change de tonalité au fur et à mesure qu’il progresse.
»

G. & P. L. : « La musique tient une place importante dans votre film… »

B. M. : « Elle est essentielle. Il y a d’abord la chanson de Clovis Costa, C’est mon corps. Il fallait composer un tube, ce qui était difficile à appréhender. S’il y avait une méthode pour écrire un tube… Au résultat, je suis très content ; ça n’est pas de la grande musique - et ça ne voulait pas en être - mais ça tourne, et ça reste dans la tête. Cette chanson est écrite comme un cover français de la chanson du flash back : Vampire, que l’on doit à une artiste qui s’appelle Ruppert Pupkin. J’aime beaucoup la séquence du flash-back, qui est bien plus charnelle que le reste du film et qui repose en grande partie sur sa musique.
Dès le début, j’ai voulu que la musique soit le coeur du film. J’ai énormément impliqué les gens qui l’ont écrite. Clément Tery a fait le score, la musique symphonique, l’adagio, ainsi que la musique électronique très âpre du début. Il est allé puiser dans une palette très large et cette collaboration dont je suis très heureux a été une phase fascinante et primordiale pour moi dans la fabrication de mon film.
»

G. & P. L. : « Avec le recul, trouvez-vous que tout ce que vous aviez imaginé sur le papier fonctionne bien à l’écran ? »

B. M. : « Je suis le plus mauvais spectateur de Héros et je suis bien incapable de le juger.
Beaucoup de risques ont été pris sur ce film : jouer sur la narration, faire ponctuellement sortir le spectateur de l’histoire, frôler l’expérimental, étirer les plans séquences. Et en même temps j’avais l’intuition que plus on prendrait de risques, moins ce serait dangereux en réalité ; comme si la multiplication des risques les annulait ; comme si c’était cela qui fondait la cohérence du projet.
Ma plus grande leçon a été sur le rythme et je salue au passage le dantesque travail de la monteuse Elise Fievet. Mais de façon presque immature, je n’avais peur de rien, j’avais l’impression qu’on pouvait tout tenter, j’avais une confiance totale dans les gens qui m’entouraient. Tout ça n’était qu’un grand jeu, même si nous y avons mis beaucoup de nous-même. Toujours ce côté inconscient, naïf. Et libre, j’espère…
En tout cas j’ai fait le film que je voulais, ce qui n’a été possible que grâce à la confiance de la production.
Au-delà de tous les aspects formels du film, de sa folie, de sa rage parfois, Héros se veut avant tout, simplement, l’histoire d’un homme. Et j’espère que les spectateurs parviendront à capter, avec la même naïveté que celle qui a été la nôtre, ce tout petit bout d’humanité.
»


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Fiche technique
Réalisateur : Bruno Merle
Scénariste : Bruno Merle et Emmanuelle Destremau
Adaptation et dialogues : Bruno Merle, Emmanuelle Destremau et Michaël Youn
Image : Georges Diane
Ingénieur du son : Eddy Laurent
Monteuse image : Elise Fievet
Monteur son : Cyrille Richard
Mixeur : Cyril Holtz
Musique originale : Clément Tery et Ruppert Pupkin
C’est mon corps interprétée par : Erick Bamy
Production : Les films du requin, Cyriac Auriol, Valentine Béraud et Jean des Forêts
Coproduction : Arte France Cinéma et Artistic Images / Armand Azoulay
Participation : Canal+, Cinecinéma, Arte/Cofinova 2 et Soficinéma 2
Textes et entretiens : Gilles et Pascale Legardinier
Photos : Jaïr Sfer et Hassen Brahiti

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de





remerciements à Mélanie Vincent

logos © www.shellac-altern.org
textes ©
Gilles et Pascale Legardinier
photos © Jaïr Sfer et Hassen Brahiti

Publié dans PRÉSENTATIONS

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