• Day night day night

Publié le par 67-cine.gi-2007













Day night day night drame de Julia Loktev








avec :
Luisa Williams, Josh P. Weinstein, Gareth Saxe, Nyambi Nyambi, Frank Dattolo, Annemarie Lawless, Tschi-Hun Kim, Richard Morant, Jennifer Camilo, Rosemary Apolinaris, Jennifer Restrepo et Julissa Perez


durée : 1h34
sortie le 4 avril 2007




à partir du mercredi 9 mai 2007 au cinéma


tous les jours à 18h10 en vost


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Synopsis
Une jeune fille de 19 ans se prépare à commettre un attentat suicide à Times Square. Elle n’a aucun accent, si bien qu’il est impossible de savoir d’où elle vient. Nous n’apprendrons jamais pourquoi elle a pris cette décision, puisqu’elle a été prise il y a longtemps déjà. Nous ignorons pour qui elle travaille, ni même quelles sont ses convictions : nous savons seulement que nul ne pourra l’en détourner. Ce film ne garde de l’histoire que ses points névralgiques, il se concentre sur d’infimes mouvements, des gestes imperceptibles, sur des détails à peine visibles. Dans l’esprit des films sur la figure sacrificielle de Jeanne d’Arc, le visage de la jeune femme exprime toutes les nuances de l’histoire. L’austérité de son visage tranche avec le bruit et la fureur de la ville. C’est ici que la foi est mise à l’épreuve par l’éventualité d’un échec.


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Notes de production
La Genèse
Julia Loktev : « J’avais lu l’histoire d’une jeune fille tchétchène qui voulait commettre un attentat suicide, et alors qu’elle projetait de faire exploser sa bombe près d’une colonne de militaires, elle s’est arrêtée à un marché acheter des bananes : Day Night Day Night n’est pas un film sur le terrorisme, mais plutôt sur les bananes, sur cette incongruité.
Mais mon histoire ne commence pas là, elle débute avec une autre jeune femme tchétchène, une fille qui arpente la rue principale moscovite avec une bombe dans son sac. Par une étrange coïncidence, cette histoire s’est réellement déroulée une semaine après que je sois passée dans cette rue avec mon sac à dos de touriste. Voilà ce que nous savons de cette histoire avec certitude : il y avait une jeune fille, il y avait une bombe, et le reste sera toujours un mystère pour nous. Les journaux russes ont d’abord relaté l’histoire de cette manière : la fille venait à Moscou pour la première fois, elle avait passé une semaine à attendre dans un village, et fut ensuite déposée par ses commanditaires sur la place Rouge, avec ordre de prendre un taxi pour la place Pouchkine et de s’y faire exploser dans un fast-food. C’était la théorie : mais la pratique fut une série de faux pas. Elle n’a pas su indiquer l’itinéraire au taxi, elle a pris peur devant les gardes qui contrôlaient l’entrée du café, a fini par vagabonder à la recherche d’une nouvelle cible, et enfin, sa bombe ne s’est pas déclenchée. C’est là que tout se complique : au procès, la fille a prétendu qu’elle avait inventé toute l’histoire, et que la bombe n’avait pas explosé, tout simplement parce qu’elle avait changé d’avis et n’avait jamais appuyé sur le détonateur. Mais cela sonne faux, ce serait trop optimiste. Je penche plutôt pour la première version, celle qu’une femme kamikaze prétend avoir inventée. J’ai gardé les fondements de ce récit, la succession de contretemps et l’échec final, et me suis demandée ce que ça voulait dire de bâtir sa personnalité autour de cette terrible ambition et de faire face ensuite au néant : j’ai pris ce qui m’intéressait, et j’ai laissé tomber le reste.
»

Le lieu
Julia Loktev : « L’histoire pourrait se dérouler dans n’importe quelle grande ville. J’ai choisi New York car c’est ma ville, la ville que je connais et que j’aime plus que tout au monde. Je n’y suis pas née : je suis née à Saint-Pétersbourg, en Russie. Je suis une New-Yorkaise, et comme la majorité des New-Yorkais, je n’y ai pas grandi. J’ai été élevée à Loveland, dans le Colorado. Mais New York est le premier endroit où je me sens vraiment chez moi. J’ai choisi Times Square car c’est la cible la plus évidente à laquelle je pouvais penser. Times Square est tellement chargé de signifiants et de symboles qu’elle en devient presque vide de sens, une cible qui s’offre de façon trop ostensible. Times Square n’appartient pas aux Etats Unis, Times Square est la propriété du monde entier. Pour le son, je voulais enregistrer des séquences de différentes langues, et tout ce que j’ai eu à faire a été de me tenir au milieu de Times Square et d’écouter. En deux jours, j’avais compilé près de 30 langues différentes, français, farsi, polonais, guarati, tagalog, coréen, portugais, mandarin, arabe, espagnol, hindi, danois, japonais, indonésien, une langue du Togo… »


Le contexte
Julia Loktev : « La figure du kamikaze est devenue une forme de symbole culturel, qui a donné naissance à un nouveau genre de films, sur les hold-ups, les soldats en guerre, les détenus s’évadant de prison. La plupart de ces films se sont focalisés sur les raisons de ces actes, sur le pourquoi. C’est donc délibérément que j’ai choisi d’éviter de traiter des raisons du terrorisme. On ne peut pas évoquer superficiellement le pourquoi d’un tel comportement, il faut aller au fond du problème, et on ne le creuse jamais assez, ou alors nous sommes submergés par toutes ces explications. On tombe de fait dans un débat bien connu, la condamnation ou la justification, et tout cela aurait totalement gommé l’histoire fragile que je désirais raconter.
Le film requiert alors des spectateurs qu’ils aient foi dans notre récit, et qu’ils tiennent pour acquis que la jeune femme est convaincue qu’elle se bat pour une cause juste, que l’acte qu’elle projette de réaliser n’est pas seulement juste mais qu’il est la justice même. Peu importe que nous y croyions nous-mêmes; l’important, c’est qu’elle, elle y croit.
Le film ne tente donc pas de répondre à cette question ou de présenter une analyse socio-politique du phénomène des attentats suicides. Je laisse cela à des plus qualifiés que moi. Ce que je voulais plutôt faire, c’était réaliser un film sur quelque chose d’intangible, ce lien entre la foi et l’échec, entre la fatalité et le vide.
Il n’y a aucun principe directeur, aucune explication à donner, pas de manière de se rassurer, mais seulement des énigmes et des contradictions, des signes de faiblesse au beau milieu d’une obstination têtue, quelques moments de doute au coeur des certitudes, une trace infime et absurde de comédie mêlée à une tragédie à venir.
J’avais du mal avec la notion d’»humanisation» de la figure de la kamikaze, et pourtant j’ai été tirée malgré moi vers ce qui est le plus humain dans ce personnage : sa vulnérabilité, sa faim, son ennui, sa désorientation.
Depuis le début, je me demandais s’il était possible de faire un film sur un attentat suicide et d’évacuer le contexte. Un tel projet paraîtrait ridicule. Mais un tel film ne se développe pas sous vide. Je pars donc du principe que le public qui va voir les films a lu le journal le matin, je pars aussi du principe qu’il analyse le film en fonction de sa propre appréhension du contexte. Par nature, un film s’inscrit dans son cadre. Le contexte est ce qu’il y a derrière le cadre.
»

Les recherches
Julia Loktev : « Je suis accro aux informations. La première chose que je fais le matin est de parcourir plusieurs sites Internet d’informations, mais en fait, je suis plus attirée par les mauvaises nouvelles. Je suis captivée par les contradictions, les pièces qui ne rentrent pas dans le puzzle, les petites histoires derrière les grandes. Lorsque j’ai lu la presse sur les attentats du métro londonien, je me suis posée des questions à propos du jeune homme qui avait fait exploser sa bombe dans le bus une heure après les trois autres, et je me suis demandée ce qu’il avait fait dans l’intervalle. Et quand j’ai entendu parler de la femme dont la bombe n’a pas explosé dans l’hôtel en Jordanie, je me suis interrogée sur ce qu’elle avait fait immédiatement après.
Je suis fascinée par la façon dont les évènements les plus remarquables sont conditionnés par des détails triviaux : c’est la confrontation de l’ordinaire et de l’extraordinaire, ces moments troubles où l’étrange se fait plus familier et le familier plus étrange.


Ce qui nous désarçonne est par nature inattendu, cela nous renverse, nous fait sortir de notre torpeur. Ce sont les mêmes petits détails ordinaires qui rendent les drames d’autant plus terrifiants : la jeune fille palestinienne qui avait déjeuné juste avant au café qu’elle a fait exploser (cela m’a fait penser à La Bataille d’Alger), une autre jeune Palestinienne qui, semble-t-il, a fait exploser sa bombe pendant qu’elle cherchait son rouge à lèvres dans son sac à la sortie d’un magasin de chaussures.
J’ai fait des recherches très approfondies, tirant mes renseignements d’articles du Moyen Orient, du Sri Lanka et de Russie, où les jeunes femmes candidates à l’attentat suicide sont légion. La plupart des détails particulièrement absurdes du film sont directement tirés de la presse : une jeune fille palestinienne qui fit marche arrière car ses commanditaires lui demandaient de porter un T-shirt qui dénudait son nombril, ou une autre Palestinienne qui paniqua et renonça en réalisant qu’elle le faisait pour de mauvaises raisons, parce que son copain l’avait quittée, ou encore deux femmes à Moscou, qui, juste avant de se faire exploser devant un hôtel, ont demandé la direction de la Douma, qui n’était qu’à une rue de là.
Mais d’autres détails sont tirés de sources plus extrémistes : la scène où elle répète sans arrêt : «j’attendrai que le feu rouge passe au vert» est inspirée d’un manuel d’entraînement d’Al Qaida disponible sur le site de la CIA qui indique que, quand une personne reçoit des instructions, elle doit se les répéter à haute voix trois fois de suite. Le manuel préconise aussi à ses apprentis de lire très attentivement les panneaux de parking, de vérifier l’huile de la voiture, de veiller à payer régulièrement les frais de la poste restante. J’imagine qu’on leur recommande aussi de boucler leur ceinture de sécurité…
Des mois après que j’ai écrit le scénario, un magazine russe publia une longue interview de la fille qui avait inspiré le film. Je fus surprise de découvrir à quel point certains détails qu’elle évoquait étaient déjà dans mon scénario. Ce qui me frappa particulièrement fut son ton, qui fait vraiment écho à celui que j’avais adopté dans le script. Elle racontait comment les commanditaires étaient très polis avec elle, à quel point elle était attachée à son téléphone portable, et quelle fut sa déception quand on le lui enleva, même s’ils étaient les seuls à lui téléphoner de toute façon. Elle dit aussi comment ils avaient pris sa carte d’identité, et l’avaient bien habillée pour la vidéo d’elle qui devait être diffusée après sa mort, et comment dans ses nouvelles baskets, son jean et sa veste assortie, et sa casquette de base-ball, elle se trouvait belle dans ses vêtements à la mode moscovite alors qu’elle n’en avait jamais portés de semblables. J’avais en fait déjà écrit plusieurs versions de ces détails, simplement en me représentant comment une histoire pareille pouvait bien se dérouler.
Ces histoires ont plusieurs points communs : la domination masculine, l’organisation du pouvoir inhérente à cette structure où les filles ne sont rien de plus que des messagères, l’attention aux vêtements des jeunes femmes. Il y a différentes façons de transformer la personnalité de quelqu’un, par les décors, les ordres donnés, l’entraînement en regardant des cassettes à la télévision. Les vidéos post-mortem des suicidés les montrent le plus souvent tenant un pistolet, même si leur mission n’a strictement rien à voir avec un pistolet, même si beaucoup d’entre eux n’ont jamais tenu un pistolet jusque-là. Ce n’est donc pas le pistolet qui compte, mais la symbolique du pistolet.
»


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Fiche technique
Ecrit et réalisé par : Julia Loktev
Directeur de la photographie : Benoit Debie
Monteurs : Michael Taylor et Julia Loktev
Sound designer : Leslie Shatz
Décors : Kelly Mcgehee
Costumes : Rabiah Troncelliti
Assistant réalisateur : Cayetana Vidal
Accessoiriste : Zoe Hoare
1er assistant opérateur : Manuel Billeter
2ème assistant opérateur : Julian Harker
Chef électricien : Steve Calitri
Électricien : Sean Taylor
Preneur de son : Raphael Laski
Casting : Maria Nelson et Ellyn Long Marshall, Orpheus Casting
Assistant monteur : Riva Marker
Monteur son : Brian Dunlop
Bruitage : Luisa Williams
Étalonnage : Peter Bernaers
Générique : Luba Proger
Studio de montage : Eyebeam Artist In Residence Program
Producteurs : Julia Loktev, Melanie Judd et Jessica Levin
Directrice de production : Melissa Miller
Produit par : Facefilm
En coproduction avec : Zdf Das Kleine Fersehspiele
Responsable de programme : Burkhard Althoff
En association avec : Arte
Avec le soutien de : Richard Vague Film Production Fund, Maurice Kanbar Institute Of Film & Television, Tisch School Of The Arts, New York University

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de

remerciements à
Pierre-Benoît Cherer et Jean-Loup Ballard
logos, textes & photos © www.iddistribution.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

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