Le vieux jardin
Le vieux jardin drame de Im Sang-soo
avec :
Yum Jung-ah, Ji Jin-hee, Yoon Hee-seok, Kim Yu-li et Lee Eun-sung
durée : 1h52
sortie le 11 avril 2007
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Synopsis
Mai 1980, fuyant une manifestation réprimée par l’armée, Hyun-woo, jeune militant socialiste, trouve refuge dans la montagne auprès de Yoon-hee.
Après avoir vécu une histoire d’amour passionnée, Hyun-woo fait le choix de retourner à ses activités politiques. Incarcéré dès son retour en ville, il sortira de prison 17 ans plus tard. Il redécouvre alors son pays et se souvient de son passé avec Yoon-hee.
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Repères historiques
26 octobre 1979 - assassinat du président Park Chung-hee.
12 décembre 1979 - Coup d’état du Général Chun Doo-hwan qui s’empare du pouvoir en contrôlant l’armée
17 mai 1980 - l’extension à la province de Kwangju de l’état de siège, en vigueur à Séoul, se traduit par des arrestations d’hommes politiques dans ce bastion de l’opposition et la fermeture d’universités.
18 mai 1980 - Un grand nombre des 5 000 manifestants civils et étudiants venus protester contre la fermeture de l’université Jônnam sont abattus par l’armée.
20 mai - L’hôtel de ville est pris par les manifestants. Alors que le soulèvement s’étend à d’autres villes de la région le 21, Kwangju est isolée le 22 mai et les assiégés commencent à s’armer. Une manifestation réunit 150 000 participants le 23 mai. Les insurgés forment des milices civiles armées.
23 mai - Le président américain Jimmy Carter apporte son soutien au gouvernement sud-coréen en appelant à un rétablissement de l’ordre.
27 mai - L’armée sud-coréenne entre dans la ville et déclenche une répression ayant causé officiellement deux cents morts, et jusqu’à plusieurs milliers selon les organisations de défense des droits de l’homme. Les soldats reprennent la ville. Kwangju sera surnommée : le mémorial de la démocratie coréenne.
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Entretien avec Im Sang-soo
- : « Votre nouveau long métrage, Le Vieux Jardin, semble en rupture par rapport à vos films précédents, notamment sur les cibles de vos critiques. »
Im Sang-soo : « The President’s Last Bang braquait la caméra sur les individus qui ont dirigé la Corée pendant 20 ans. Le film mettait en exergue la complexité des arcanes du pouvoir et des luttes politiques intestines. Le Vieux Jardin, quant à lui, présente d’autres acteurs de la société. J’ai examiné le comportement de ceux qui luttent contre les abus de pouvoir. Cette observation est critique. Critique dans le sens où les aspects positifs aussi bien que négatifs se dégagent de cette analyse. Cet aspect politique forme la toile de fond du récit, mais l’histoire d’amour en est le véritable épicentre. »
- : « L’utilisation d’un ton proche du mélodrame est aussi un choix atypique. »
I. S. : « L’ossature abrégée du récit peut effectivement paraître proche de celle d’un mélodrame amoureux. Mais les sentiments sont beaucoup plus complexes et retenus. De la femme, qui intériorise sa crainte de voir son mari l’abandonner pour ses idéaux, à l’homme lui-même tiraillé. Les personnages peinent à exprimer leurs émotions. Cette construction est à l’image des individus : parfois rien ne transparaît et l’on mesure les difficultés à se confier. »
- : « Dans The President’s Last Bang, la trame était centrée sur l’assassinat du président Park Chung-Hee, le 26 Octobre 1979, et réunissait tous les acteurs qui étaient à l’origine de cet événement. Le Vieux Jardin traite, sur une période plus étalée, des incidents du 18 Mai 1980 à Kwangju et de leurs répercussions sur la vie de certaines personnes de l’époque. En plus d’être un drame, cela semble moins polémique et osé à faire, comparé au précédent film ? »
I. S. : « Je ne crois pas. Que vous ayez participé ou non à ces manifestations des années 80, il y a des choses que vous n’avez ni envie d’entendre, ni envie de dire. Des souvenirs douloureux que certains ne veulent pas voir remonter à la surface. La faute de ce déni incombe en partie aux politiciens qui ont trop souvent rabâché et utilisé ces évènements sous des angles indiscrets. Les romanciers aussi entretiennent une véritable forme de nostalgie de l’époque. Les gens en ont eu assez, n’ont plus supporté. Je pense que c’est ce sentiment qui domine chez ceux qui n’ont pas participé au mouvement. En face, les individus qui l’ont vécu de plus près peuvent aussi avoir la mémoire courte. Aujourd’hui, pour des raisons de confort de vie, ils préfèrent ne pas revenir sur d’anciennes polémiques. Mais, Le Vieux Jardin est un livre qui n’a pas besoin de recourir aux tromperies et qui ne tombe pas dans le refus de voir la vérité. Notamment parce que c’est un livre merveilleusement écrit. En plus de faire un portrait de cette cause, il plonge au coeur de la vie des acteurs, des militants. »
- : « Dans le film, les personnages entretiennent des relations fortes, mais les masquent. Les scènes qui aboutissent à la séparation entre Hyun-woo et Yoon-hee jouent sur des dissimulations. »
I. S. : « Quand l’homme décide de partir, le couple se dispute. Puis la femme lui coupe les cheveux, lui prépare son dîner et attend le bus avec lui. Elle ne verse aucune larme. Dans cette longue séquence, ils n’échangent presque pas un mot. L’absence de dialogues a produit une atmosphère étrange. Il n’y avait pas d’excitation ou de joie durant le tournage. Le challenge était de créer ces émotions violentes mais enfouies. C’est ce que j’ai tenté de faire ensuite durant le montage. »
- : « Les sentiments que Yoon-hee refoulent sont difficiles à transmettre au public. »
I. S. : « Alors que Yoon-hee est sur son lit de mort, elle ne peut que penser aux six mois qu’elle a passés avec Hyunwoo. Ce sont les instants les plus intenses de sa vie. Seules les personnes face à une échéance comme la mort font l’effort de penser à des choses aussi primordiales que les moments mémorables et les personnes qui ont influencé leur vie. Alors s’est posée la question de la manière utilisée pour retranscrire ces émotions. J’en ai parlé avec Yum Jung-ha, qui interprète Yoon-hee. Je lui ai conseillé de ne pas prendre des allures de femme seule, abandonnée. Même si elle l’est, elle doit au contraire apparaître forte, presque froide. Les spectateurs la verront ainsi d’abord sous un carcan factice. À la fin, s’ils parviennent à faire tomber le voile, ils seront encore plus profondément touchés par elle. »
- : « À propos de Hyun-woo, libéré après 17 ans de prison, son personnage semble se réinsérer rapidement. »
I. S. : « Après sa sortie de prison, il se rend à Galmwhe, le village où il est resté avec Yoon-hee. Il retourne ensuite à Séoul. Il y est hospitalisé pendant un certain temps. Il assiste aux querelles de ses anciens compagnons de lutte. Ces derniers vivaient auparavant réunis autour de la flamme de leurs convictions, mais celle-ci s’est petit à petit éteinte avec le temps et l’Histoire. La société a connu des transformations. Cependant Hyun-woo a pris une certaine distance avec tout cela pendant ses années de prison. S’il lui est très difficile de vivre, il trouve néanmoins le courage de le faire en se plongeant dans le journal de sa femme et grâce à l’existence de leur fille. Young-hee, même morte, panse les blessures de Hyun-woo. »
- : « Vous avez travaillé avec des acteurs qui n’ont pas vécu dans les années 1980. »
I. S. : « Ce que j’ai voulu communiquer à travers Yum Jung-ah et Ji Jin-hee, c’est que le jeu d’acteur ne devait pas être issu d’une position politique. Je leur ai donc demandé de s’en détacher, de réduire l’influence de leurs opinions. À chaque époque, des personnes sont accusées et jugées à tort, à cause de leurs idéaux, de leurs croyances ou de leur foi. D’autres personnes peuvent, tout en étant étrangères à leur cause, les aider, et tomber amoureux. C’est une situation atemporelle. »
- : « J’ai entendu dire que, parmi les activistes de l’époque, une personne qui était ardemment ancrée dans le mouvement, a trouvé votre film provocant et dérangeant. »
I. S. : « Je tiens à souligner que je ne dis pas que les activistes des années 1980 avaient des manières abominables et vivaient très mal. Si la société coréenne est meilleure aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à eux. Mais je n’accepte pas l’idée qu’ils soient constamment béatifiés et élevés au rang de martyrs. »
- : « Certaines personnes avancent que, n’ayant pas été un activiste, vous ne seriez pas la personne la plus qualifiée pour réaliser ce film. »
I. S. : « Les attaques du type ; Mais qu’est-ce-que vous en savez vous ? , sincèrement je n’y prête plus attention. Ce genre de présomption vient d’une condescendance déjà présente dans les années 1980. Certains manifestants anti-gouvernementaux se prétendaient supérieurs. Pour eux il est certain que je ne fais pas partie de la bande. »
- : « Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à ne pas embrasser le mouvement ? »
I. S. : « Tout d’abord, j’avais un cadre de vie très bourgeois. En plus, je me considérais comme un garçon précoce dans ses idées politiques et je détestais toute forme de groupes ou d’organisations. »
- : « En parcourant votre filmographie, votre vision du monde ne cesse de s’enrichir. »
I. S. : « Je ne suis pas convaincu d’être encore un artiste. Je sais que je veux en être un, et j’espère y parvenir un jour ou l’autre. C’est pour ça que j’ai une certaine liberté dans les thèmes que j’aborde. Je peux me permettre d’être plus radical et de remettre constamment en question les idées prédominantes de notre société moderne. D’un autre côté, je suis moi-même dans le moule de cette société. J’ai 45 ans. Je pense ne pas pouvoir vivre uniquement dans la plainte et le conflit. »
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Fiche technique
Réalisateur – scénariste : Im Sang-soo
D’après une histoire originale de : Hwang Sok-yong
Directeur de la photo : Kim Woo-hyung
Montage : Lee Eun-soo
Musique : Kim Hong-jib
Directeur artistique : Song Jae-hee
Producteurs : Park Jong et Kim Jung-ho
Producteur exécutif : Park Hyun-tae
Production : Mbc Production
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