• L’homme qui rêvait d’un enfant

Publié le par 67-cine.gi-2007













L’homme qui rêvait d’un enfant drame de Delphine Gleize









avec :
Artus de Penguern, Darry Cowl, Esther Gorintin, Valérie Donzelli et Rolande Kalis


durée : 1h26
sortie le 21 mars 2007

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Synopsis
Pour une raison qu’il ignore, Alfred a perdu la parole.
Un jour, ayant fui une nouvelle fois le baiser de celle qu’il aime et sentant la solitude s’installer, il prend une décision.
Alfred va adopter un enfant.
Contre toute attente, sa demande est prise en compte et acceptée.
Mais le jour J, celui qui arrive ne correspond pas vraiment à celui qu’il attendait…


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Rencontre avec Delphine Gleize
- : « Dans votre travail, la place de l’enfant dans son rapport à l’adulte est importante. Dans votre film L’homme qui rêvait d’un enfant, c’est la rencontre entre deux êtres ni tout à fait enfants ni tout à fait adultes, qui offre une relation pleine de surprise, d’inattendu. »

Delphine Gleize : « Oui, c’est juste, je parle souvent de la place de l’enfant, d’un être qu’il faut accepter, apprivoiser. Qu’il s’agisse d’une naissance ou d’une adoption, il faut découvrir un étranger. Pour cette histoire-là, j’avais envie d’une fable sur la famille, j’avais aussi envie d’une rencontre entre deux hommes qui se cherchent encore.
J’avais songé à un personnage qui, sans être muet, parlerait peu, un homme qui aurait accepté les codes adultes sans pour autant avoir abandonné ses toutes premières appréhensions, celles du début de la vie. Un père potentiel en cours de croissance. Et puis j’ai imaginé un enfant, qui lui, n’aurait pas d’âge, un enfant sans attente. Comme un passager, un visiteur qui ne chercherait rien en entrant dans une famille, juste à profiter de l’instant.
Voilà comment s’est constituée la rencontre de ces deux êtres : autour du désir qu’Alfred et Jules (Darry Cowl et Artus de Penguern) partagent un instant l’utopie d’une famille.
C’est la rencontre entre ces deux solitudes qui structure le film. J’ai toujours imaginé que le plus jeune adopte le plus vieux. Si les rôles père-fils sont supposés inversés, la nature des relations qui les unit va se révéler protéiforme. Jules ne sera jamais vraiment là où Alfred l'attend et vice-versa. Ce qui donne lieu, effectivement, à des situations assez cocasses.
»

- : « Et cette cohabitation se révèle tout à fait singulière… »

D. G. : « Pour évoquer l’enfance, je préfère me confronter à des visages déjà marqués et mettre en scène des jeux d’enfants interprétés par des corps déjà usés. Ce qui importe, c’est qu’Alfred et Jules soient dans la découverte permanente, que chacun suive son propre chemin initiatique. Il s’agissait, pour raconter ce parcours, cet apprentissage, de travailler sur des « petits faits ». Étant donné qu’ils concernent l’enfance, chacun d’eux provoque des changements et des découvertes majeures. Comme l’injustice ou le désir d’indépendance…
Le souvenir, particulièrement celui de l’enfance, a beaucoup inspiré le récit. Comme un rêve éveillé, on a toujours l’illusion de pouvoir le saisir. Parce qu'il garde toujours son mystère, c'est un personnage à apprivoiser. Grandir avec lui, trouver sa place par rapport à lui, s’en libérer, c’est aussi l’histoire du film.
»


- : « Votre rencontre avec Darry Cowl… »

D. G. : « Darry Cowl est lui-même un paradoxe ! C’est une personnalité fascinante où l’enfance surgit à chaque moment. Il a tellement bourlingué dans des films de tout genre et dans des pièces improbables que l’idée qu’il incarne un personnage sans attache, nomade, m’a semblé évidente.
Darry a accepté de faire le film sans même avoir lu le scénario. L’idée de jouer le rôle d’un enfant adopté le touchait et même de façon très intime m’a-t-il confié. Il aimait beaucoup être l’invité impertinent du film. Et cette fois-ci, il ne voulait pas
faire du Darry Cowl selon sa propre expression. Il avait une vision très intuitive de Jules, son personnage : il devait, à la fois, se laisser déborder par l’émotion tout en manipulant celle de l’autre. Nous parlions souvent des scènes prévues pour le lendemain. Je tenais compte de ce qu’il me disait. Je pense notamment à celle du bain que j’avais imaginée comme enjouée, drolatique, cela devait être la scène de l’aptitude au bonheur, comme le dit l’assistante sociale. Une discussion avec Darry m’a fait prendre conscience que le véritable enjeu de cette scène, c’était filmer sur son visage le bonheur en même temps que le drame. La scène est devenue plus sobre, plus énigmatique : l’enfance et la vieillesse cohabitent sans artifice.
Darry n’a pas eu le temps de voir le film qui était en fin de post-production.
»

- : « Votre rencontre avec Artus de Penguern… »

D. G. : « C’est mon producteur qui m’a suggéré Artus de Penguern. Je l’ai rencontré et cela m’a paru évident. Artus joue un homme hors du temps, comme échappé d’une fable. Il est ici dans un registre inédit pour lui, il ne se ressemble presque pas. Dans ses rôles précédents, il a souvent composé dans l’agilité, dans le contrôle absolu de ses mouvements. Nous avons travaillé un personnage qui essaie d’être toujours rapide mais qui reste un peu gauche, pataud et très attendrissant. L’humour d’Artus est souvent à la croisée du cynisme et de l’auto dérision. Il y a quelque chose de joyeusement désespéré dans sa façon d’aborder le monde, tandis que Darry est dans un humour grinçant et poétique à la fois. L’un et l’autre se faisaient rire. Mais pour chacun, l’humour était aussi une façon de ne pas se livrer. Pour qu’ils cèdent à l’émotion, qu’ils aillent au delà de leur propre pudeur, il fallait du temps. Ce temps-là passait par la durée des prises. Leurs regards, leur étreinte parfois duraient, et l’émotion pointait. »


- : « Sur ce film, vous avez réuni des personnalités très marquées et des sensibilités très différentes. »

D. G. : « Oui, mêler des familles d’acteurs venant d’univers si différents était promesse de rencontres incroyables voire improbables !
Esther Gorintin, qui joue la mère d’Alfred, est quelqu’un de très atypique. Du côté de l’enfance, là aussi. Avec Marielle Robaut, la costumière, nous nous étions dit qu’elle devait avoir un côté Claudine à l’école tout en conservant les allures d’une fée tout droit sortie d’un conte. Rassurante et perturbante à la fois. Son personnage est notre relais dans l’histoire, un peu comme toutes les femmes du film. Elle accepte le paradoxe de la situation et nous entraîne avec elle. Pour ce film-là, comme pour le précédent,
Carnages, Esther dit qu’elle n’a pas eu le temps de lire le scénario. Ce n’est pas très grave, elle me fait confiance et sait que j’ai écrit ce rôle pour elle. Selon elle, le cinéma n’est qu’une question de confiance, et c’est une bonne raison d’en faire ! Sur le plateau, je lui parlais beaucoup pendant les prises, je lui proposais des choses qu’elle incarnait immédiatement. Mais dès qu’elle partageait une scène avec Darry, elle perdait ses moyens, redevenait une petite fille face à son idole…
Valérie Donzelli, Suzanne, aimée des deux hommes, est la première source de conflit entre les deux enfants. Objet d’un désir adulte, elle est aussi la créature de deux enfants capricieux. J’aime la façon dont Valérie incarne ses personnages ; à bras-le-corps. Son rire pourrait s’être échappé d’un rêve d’enfant. C’est une actrice qui porte la fiction instantanément. J’aime sa diction d’héroïne de Truffaut, de Fabienne Tabart… Son personnage est à son image, elle peut avoir traversé toutes les époques.
Rolande Kalis, la femme de Darry dans la vie, tient le rôle de l’assistante sociale extravagante qui vient contrôler les conditions de vie de Jules. C’est une grande comédienne qui a toujours mis sa carrière entre parenthèses pour suivre Darry. Son rôle n’était pas prévu mais après notre rencontre, elle m’est apparue comme faisant directement partie de l’univers du film. Il n’y a que du bon sens dans son personnage. En ne s’occupant pas de ce dont on s’occupe normalement, elle s’occupe finalement de la seule chose qui compte : que cette famille soit apte au bonheur.
»

- : « Ce film a été tourné en trois semaines en décors naturels… »

D. G. : « Nous avons tourné trois semaines en hd, sachant que le choix du support était au départ une contrainte économique. Mais il s’est révélé très vite offrir de multiples possibilités tout au long de la chaîne artistique. Notamment, dans le travail sur les matières. Dans un univers quasi monochrome, très contrasté, nous avons accentué certaines couleurs en fonction de chaque plan, afin de façonner l’univers du conte. Cette histoire ne pouvait pas se passer ailleurs que dans les Landes où le réel côtoie le fantastique en permanence ; les pins comme un horizon de solitudes, des distances interminables à parcourir, des champs désolés. La seule chose, hormis la chambre de Darry, que nous avons construite est le poulailler. Inspiré d’un poulailler traditionnel, il abrite, comme un jardin suspendu, les stigmates de la relation qu’Alfred entretient avec l’enfance. Il est tour à tour son refuge et la tour de contrôle des poules…
Par contre, je connaissais le saloon où nous avons tourné, pour être passée devant des dizaines de fois. Ce lieu, entouré de pins, de grossistes en robinetterie, de concessionnaires, m’a toujours intriguée. Que faisait-il là ? Il était né du seul amour du propriétaire pour l’Amérique. L’incongruité de son existence m’a poussée à l’intégrer dans le récit assez tôt. Lui aussi était sans âge et sans adresse.
»

- : « Un moment vous a-t-il marquée durant le tournage ?… »

D. G. : « Je me souviens particulièrement de la scène où Alfred et Jules sont à table avec la mère et Suzanne. C’est la première fois qu’on entend le son de la voix de Darry : c’est sa musicalité qui s’impose d’emblée.
Je vais chercher ma valise, ce sera mieux pour tout le monde. Et puis voilà, quoi… . Cela marquait l’envie de partir de Jules, sans emphase, en catimini. Puis les larmes sont venues à Darry. Ça n’était pas prévu. Lui-même s’en est étonné. C’était son dernier plan. J’ai dit coupez et Darry a ajouté, dans un demi sourire : Fait chier, putain, je suis vraiment un con. »


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Fiche technique
Réalisatrice : Delphine Gleize
Oeuvre originale : Delphine Gleize
Chef opérateur : Crystel Fournier
Ingénieur du son : Maxime Gavaudan
Chef décorateur : Yves Fournier
Monteur : François Quiquere
Producteurs : Les Productions Balthazar, Jérome Dopffer et Benedicte Couvreur
Etalonneur hd : Frédéric Savoir
Monteur son : Pierre Andre
Mixeur : Jean Paul Hurier
Ingénieur du son & mixeur : Hubert Salou
Musique originale : Arthur H
Musiciens
Guitare : Nicolas Repac
Piano & Chant : Arthur H
Batteur : Patrick Goraguer
Bassiste contrebassiste : Jérôme Goldet
En coproduction avec : Amazing Digital Studios, avec la participation du Cnc, du Conseil Général des Landes et de Ciné Cinéma, avec le soutien de la région Aquitaine et de Soficinéma
Ventes internationales : Wild Bunch
Une distribution : Haut et Court
D’après les textes et entretien de : Pascale et Gilles Legardinier

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de

remerciements à
Carolyn Martin-Occelli
logos, textes & photos © www.hautetcourt.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

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