Nue propriété
Nue propriété drame de Joachim Lafosse
avec :
Isabelle Huppert, Jérémie Rénier, Yannick Rénier, Kris Cuppens, Patrick Descamps, Raphaëlle Lubansu, Sabine Riche, Dirk Tuypens, Philippe Constant, Catherine Salée et Delphine Bibet
durée : 1h30
sortie le 21 février 2007
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Synopsis
Quand leur mère décide de vendre la propriété, Thierry et François réalisent qu’ils vont devoir vivre leur vie d’adulte. Leur relation fusionnelle va alors se transformer en guerre fratricide sous les yeux impuissants de leur mère.
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Entretien avec Joachim Lafosse
- : « Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de faire ce film ? »
Joachim Lafosse : « Ce film s’inspire d’une histoire familiale. À une époque, j’ai éprouvé ce sentiment d’avoir un pouvoir qui n’était pas le mien. Comme une logique de vie qui n’était pas respectée ; j’avais le pouvoir d’empêcher ma mère de vivre la vie qu’elle avait envie de vivre. C’est ce qui m’a donné l’idée d’écrire l’histoire de ces deux frères qui se comportent avec leur mère comme s’ils étaient eux-mêmes ses parents. Elle se retrouve alors dans la situation étrange de devoir demander l’autorisation de s’émanciper. »
- : « Avoir deux authentiques frères pour interpréter les personnages de Thierry et François, est-ce un choix délibéré ? Quand avez-vous pensé aux frères Renier ? »
J. L. : « C’est plus qu’un choix délibéré, c’est intrinsèque au projet. Dés le début, je les ai associés à l’écriture du scénario. Dans la vie, comme à l’écran, ce lien de fraternité existe réellement. Je cherchais une émotion authentique, et dans le dispositif mis en place, il était plus juste de regarder que d’essayer de fabriquer. »
- : « La mère est-elle le personnage principal ? »
J. L. : « Ce fut une des grandes questions du scénario. Jusqu’au montage, nous n’avons cessé de nous poser la question. Ce film est la description d’un système familial et dans ce système, il n’y a pas une personne plus importante qu’une autre. Il suffirait de s’éloigner du système pour que le conflit cesse. Mais à l’intérieur de la cellule, il y a dysfonctionnement. Les fils prennent la place de la mère et la mère prend la place des enfants. C’est pourquoi je devais me pencher avec la même attention sur chacune des entités de cette cellule. À mes yeux, elles sont toutes les trois aussi importantes. »
- : « Et le travail avec Isabelle Huppert ? »
J. L. : « Le plus impressionnant, c’est qu’elle est une intuitive qui réfléchit. Pour moi, c’est la plus grande qualité d’un acteur. Finalement, on a peu parlé du personnage de Pascale, juste quelques questions et elle, comme les deux frères, ont mis leurs secrets dans le film. »
- : « Et le quatrième protagoniste, c’est la maison ? »
J. L. : « Oui, c’est le lien que partage chacun des membres de la famille, y compris le père, le grand absent de l’histoire. Nue propriété est une réflexion sur la jouissance que l’on peut avoir à la propriété. Finalement faire du cinéma c’est aussi jouir d’un tas de choses sans en être propriétaire. »
- : « Parlez-nous du cadre, plan-séquence fixe, dans Nue propriété... »
J. L. : « Je voulais que chacun des personnages soit obligé, s’il veut s’éloigner, de quitter le cadre. Le cadre est comme une maison que les personnages n’arrivent pas à quitter. Et lorsque deux personnages sont dans le cadre et qu’apparaît un troisième, il traverse presque systématiquement le champ en l’occultant. Je voulais montrer à travers ces plans fixes que lorsqu’il n’y a que deux personnages, ça fonctionne bien mais que l’arrivée d’un tiers engendre du conflit. Un plan fixe, c’est donner aux acteurs et à leur travail une véritable place, mais c’est aussi permettre au spectateur de regarder ce qu’il veut. »
- : « Il est frappant de constater que chaque fois que vous tournez une scène de repas, c’est un moment de tension. »
J. L. : « Manger est une des choses qu’on fait le plus dans la vie. La nourriture, c’est la libido, c’est la pulsion de vie. Et quand je vois les deux frères qui n’arrêtent pas de manger et la mère qui n’arrête pas de les nourrir, c’est aussi une image significative de ce qui se passe au sein de cette famille. Ils se dévorent. »
- : « C’est aussi pour ça que Jan, l’amant, est un cuisinier ? »
J. L. : « Cela ne s’est pas fait consciemment. C’est Kris Cuppens (Jan) qui en a eu l’idée. Un cuisinier, ce n’est pas quelqu’un qui mange, c’est quelqu’un qui fait. Les fils sont des consommateurs. Ils ne sont pas encore dans la fabrication. Nue propriété c’est l’histoire de deux jeunes gens qui sont à un âge où ils devraient partir vivre leur vie et qui finalement oublient ça. Et en étant dans cette logique-là, ils empêchent leur mère de s’émanciper. »
- : « Tous vos films ont un ancrage belge particulier, qui ne relève ni de la carte postale ni du réalisme social : la présence de personnages flamands. »
J. L. : « Quand j’ai commencé à travailler avec Kris Cuppens (Jan) sur Tribu, c’était d’abord dû à l’envie de travailler avec cet acteur qui est aussi un ami. Et puis, je me suis rendu compte qu’en le faisant travailler en français, il y avait une qualité de jeu qui arrivait, parce qu’il ne faisait plus attention à ce qu’il jouait mais à ce qu’il avait à dire. De par son origine flamande et les rapports entre francophones et flamands, en a aussi découlé involontairement une symbolique supplémentaire sur la question de la difficulté à vivre ensemble. Vouloir vivre chacun de son côté, derrière sa frontière, c’est un fantasme pas seulement de la Flandre, mais d’une certaine Wallonie qui vit coincée dans ses préjugés. Si on reste entre nous, il arrive ce qui arrive à cette famille : si on ne laisse pas entrer le tiers, c’est le chaos. »
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Fiche technique
Réalisateur : Joachim Lafosse
Scénario et dialogues : Joachim Lafosse et François Pirot
Directeur de la photographie : Hichame Alaouié
Son : Benoît De Clerck
Décors : Anna Falguerès
Costumes : Nathalie du Roscoat
Montage : Sophie Vercruysse
Mixage : Benoît Biral
Direction de production : Vincent Canart
Producteur délégué : Joseph Rouschop - Tarantula Belgique
Co- producteurs : Martine de Clermont Tonnerre - Mact Productions
Donato Rotunno - Tarantula Luxembourg
Arlette Zylberberg - Rtbf (Télévision belge)
Avec l’aide du : Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Communauté Française de Belgique et des télédistributeurs wallons
avec la participation financière de : la Région Wallonne (Wallimage)
avec la contribution du : Centre National de la Cinématographie et du fonds de soutien à la production audiovisuelle du Grand-Duché de Luxembourg
avec le soutien de : la Communauté Française Wallonie-Bruxelles et de la Loterie Nationale. Intermédiation Financière : Fast Forward dans le cadre de la loi "tax shelter" initié par le service public Fédéral Finances - Property Partners Sa dans le cadre de la loi de soutien à la production audiovisuelle
avec la participation de : Canal +, de CinéCinéma en association avec les soficas : Cofinova 2 et Sogecinema 2
distribution : Haut et Court
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