Silentium !
Silentium ! policier de Wolfgang Murnberger
avec :
Josef Hader, Simon Scwartz, Joachim Król, Maria Köstlinger, Udo Samel, Jürgen Tarrach, Rosie Alvarez, Georg Friedrich, Anne Bennent, Luka Omoto, Johannes Silberschneider, Joachim Bissmeier, Karl Fischer, Wolfgang S. Zechmayer, Christoph Schlingensief, Herbert Fux, Dirk Stermann, Werner Brix et Wolf Haas
durée : 1h56
sortie le 17 janvier 2006
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Synopsis
Lorsque l’on retrouve le corps de Gottlieb Dornhelm, le beau-fi ls du directeur de l’Opéra, et que la police conclut à un suicide, le Tout-Salzbourg pousse un soupir de soulagement. En publiant récemment un livre où il révélait les sévices qu’il avait subis étant jeune, dans un internat religieux, le suicidé ne s’était pas fait que des amis.
Persuadée que la police a mené une enquête de complaisance, la ravissante veuve Konstance Dornhelm engage le détective Simon Brenner pour tenter de découvrir la vérité. Pour être recueilli au monastère de l’internat, il se déguise en sans-abri et plonge dans le monde vicié du silence religieux. Aidé de son vieil ami Berti devenu coursier pour l’Opéra, il s’infi ltre derrière les coulisses du Festival de Salzbourg.
En se mettant à enquêter sous tout ce que la ville de Mozart et de Freud compte de soutanes et de tutus, Brenner soulèvera quelques vérités qui ne sentent pas forcément très bon.
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Entretien avec les coscénaristes : Josef Hader, Wolfgang Murnberger et Wolf Haas.
par Peter Krobath
Wolf Haas, Wolfgang Murnberger et Josef Hader expliquent au journaliste Peter Krobath en quoi le succès de leur collaboration avec le film Komm Süsser Tod (Vienne la mort) les a incité à réaliser une suite plus visuelle et percutante, située dans la ville fastueuse de Salzbourg, haut lieu catholique et bourgeois où l’on est facilement mis au banc de la société.
Peter Krobath : « Il y a quatre ans, le trio Wolf Haas, Wolfgang Murnberger, Josef Hader introduisait sur grand écran le personnage de Simon Brenner dans le très remarqué Vienne la mort. Aujourd’hui, le même trio réalise un autre film à partir du même personnage. A quels obstacles avez-vous été confrontés ? »
Wolfgang Murnberger : « Il était clair depuis le début que nous ne voulions pas juste répéter le même succès. Nous voulions que Silentium ! soit singulièrement différent de Vienne la mort, c’est pourquoi cette fois nous nous sommes concentrés sur l’aspect polar. »
Wolf Haas : « Il est important de rester vigilant, de s’interroger sur la manière dont le film peut être différent du roman, et comment le second film peut être différent du premier. Cela rend le processus de travail lent et fastidieux car les éléments importants ne vous viennent pas tant que vous n’avez pas commencé à écrire. Les considérations théoriques qui précèdent le processus d’écriture ne sont que la charpente sur laquelle il faut construire. Ce n’est que lorsque vous arrivez vraiment à l’écriture du scénario que vous comprenez que ce qui vous paraissait insignifiant est en fait crucial. La plupart du temps, nous sommes tous les trois plus surpris que quiconque du résultat. Autrement ce serait simplement un livre de coloriage où tout est déjà prédéfini. »
P. K. : « Pourquoi Silentium ! est-il beaucoup plus visuel et percutant que Vienne la mort ? »
Josef Hader : « Vienne la mort raconte l’histoire d’une compagnie d’ambulances qui tue ses propres patients. Ce n’est pas très réaliste. Alors que Silentium ! traite de choses qui sont complètement enracinées dans notre quotidien. »
P. K. : « On remarque que le personnage de Simon Brenner a dégringolé sur l’échelle sociale. Par exemple, la scène où il enquête dans le milieu des sans-abris : il n’a même pas besoin de changer de T-shirt pour passer pour quelqu’un de la rue. »
W. M. : « On trouvait cette histoire plus réaliste, et de fait nous voulions que le personnage soit plus crédible. Nous avons essayé de montrer des personnalités plus complexes. Nous ne voulions pas donner une image caricaturale du bien et du mal, mais laisser les choses un peu plus ouvertes. »
P. K. : « Est-ce également pour cette raison que les blagues typiquement laconiques de Brenner se sont faites plus discrètes cette fois ? »
W. H. : « Après le premier film, nous nous sommes retrouvés à un carrefour où il a fallu choisir quelle direction nous voulions que prenne le personnage de Brenner, privilégier soit l’aspect comédie, soit l’aspect réaliste. Il est toujours plus facile d’opter pour une approche sarcastique, mais il semblerait que cette fois nous ayons été tous trois plus enclin à explorer le côté sérieux de cette histoire. »
J. H. : « Si le contenu même du film m’amène à jouer avec un peu plus d’intensité, il est évident que c’est autant d’humour en moins chez le personnage. Dans Silentium !, il y a beaucoup de scènes difficiles, dans lesquelles il n’est pas possible de glisser la moindre plaisanterie sous peine de ruiner la scène. C’est pourquoi je dirais que c’est le contenu qui nous a poussé à faire de Silentium ! un film plus intense que Vienne la mort, et donc de perdre un peu le côté humoristique, ou du moins d’aller vers un humour plus évolué. »
W. M. : « Si Vienne la mort était un film de détective un peu étrange, Silentium ! est quant à lui un polar étrange. »
P. K. : « Silentium ! nous emmène à Salzbourg, au coeur du microcosme hermétique d’une petite ville, où l’église catholique exerce un certain rapport de force... »
W. H. : « C’est le dénominateur commun avec Vienne la mort. Les deux films se déroulent dans des microcosmes hermétiques car ce sont des lieux parfaits pour tisser des scènes de crime.
C’est plus facile pour créer un sentiment d’enfermement et pour se sentir pris au piège. La compagnie d’ambulances de Vienne la mort était son propre petit monde, tout comme la ville de Salzbourg, murée derrière ses hautes montagnes. Et en ce qui concerne l’humour, je ne trouve pas qu’il y en ai moins dans ce film. C’est juste plus noir. Dans Silentium !, nous travaillons sur une forme de comédie qui peut aussi faire mal. »
J. H. : « Dans un sens, Silentium ! est une sorte de conte de fée maléfique. Il s’y passe des choses mystérieuses que vous ne pouvez pas percer à la première vision. Salzbourg y est un monde secret qui évolue selon des règles qui ne sont pas immédiatement transparentes. Il y a toujours cette forêt enchantée où les enfants perdent leur chemin. On veut créer du suspense mais sans sacrifier l’humour. »
P. K. : « Comment expliquez-vous le déclin social de Brenner ? »
W. M. : « Nous nous sommes peut-être dit, de manière subconsciente, qu’il serait bien qu’en contraste avec la haute société et le catholicisme, nous rendions le personnage le plus fauché possible. »
J. H. : « Dans Silentium ! il est lâché dans un monde où tous les autres lui sont socialement supérieurs. La plupart des gens à qui il a à faire, ses principaux adversaires, sont bien plus haut que lui dans l’échelle sociale. Ce n’est pas uniquement le fait que Brenner ne soit pas à la page, c’est le fait qu’il ne fasse pas partie du même registre, qui rend le contraste aussi extrême. Il entre dans un monde où il est la lie, où dans n’importe quelle situation il reste inférieur. »
P. K. : « C’est le genre de chose qui se produit facilement à Salzbourg... »
W. H. : « C’est comme ça que j’ai perçu les choses. Je n’ai quitté Salzbourg pour Vienne qu’à la fin de mes études, et ma première impression a été qu’à Vienne si tu as une condition sociale peu élevée, tu es juste pauvre, tandis qu’à Salzbourg, à condition égale, tu es un clochard. Si tout le monde était aussi riche et bourgeois, beaucoup passeraient pour des mendiants en comparaison. »
P. K. : « Qu’est-ce qui motive Brenner ? »
J. H. : « Si on poursuit l’analogie avec le conte de fée, vous avez dans Silentium ! une princesse victime d’un sortilège, et il veut la libérer. Il trouve cette femme très attirante, et en plus elle est mêlée à un obscur secret. Je dirais que ce sont de fortes motivations pour un homme. »
W. M. : « En outre, elle lui offre l’affaire. Il vient d’être viré de son boulot de vigile en grand magasin, que peut-il faire, il se voit toujours comme un détective, c’est comme ça qu’il a toujours vécu, en étant engagé pour résoudre telle affaire ou telle autre. Il n’a pas besoin davantage de motivation, c’est une question de survie. »
J. H. : « Une autre façon de voir les choses : il aurait probablement accepté une affaire bien moins intéressante, proposée par une femme également moins intéressante - mais ça n’aurait pas fait un bon film. »
P. K. : « Berti, le sympathique partenaire de Brenner pour ce qui est de démêler les sombres affaires, n’était pas dans le roman. Comment est-il arrivé dans le film ? »
W. H. : « Ce n’est pas un hasard si dans la plupart des histoires de crimes, le détective a toujours un acolyte avec qui il peut communiquer. Dans mon livre, ce qui s’en rapprocherait le plus, c’est le narrateur, et comme nous ne pouvions pas le mettre dans le film, il a fallu lui trouver un équivalent. Ce sont les raisons techniques pour lesquelles on trouve Berti dans le film.
Mais par ailleurs, Brenner est tellement désabusé qu’il ne porterait pas une intrigue à lui tout seul. C’est pourquoi nous avions besoin d’un personnage qui soit aux antipodes, et dont la naïveté réussirait d’une manière ou d’une autre à raviver la flamme chez Brenner. »
W. M. : « Déjà dans Vienne la mort, Berti était le personnage qui parle le plus avec Brenner. Il finissait par être son confident. Ce duo fonctionnait si bien qu’on a trouvé qu’il fallait le retrouver dans Silentium !. »
J. H. : « Berti s’arrange pour soutirer à Brenner des informations que le spectateur lui-même aimerait obtenir. Par ailleurs, Simon Schwarz et moi nous sommes aperçus sur le tournage de Vienne la mort que nous pouvions donner au film une certaine légèreté. Ce qui est plutôt rafraîchissant dans un conte noir comme Silentium !. Ce sont des scènes où l’on peut se permettre d’être drôle, sans compromettre l’histoire. »
P. K. : « Avec Vienne la mort et Silentium ! à votre actif, vous êtes sur la bonne voie pour devenir l’une des bandes préférées du cinéma autrichien. Dans le milieu de la musique, ce genre de succès ne dure qu’un temps, et puis le bassiste veut faire des choses de son côté, et c’est la fin... »
W. M. : « Sauf que nous, on a déjà sorti des albums solos. »
J. H. : « Et on continue à en faire en parallèle. On n’est pas le genre de groupe de mecs qui ne font de la musique qu’ensemble. On était tous sur nos projets solos, et au milieu de ça on a formé un groupe pour jouer ici et là. C’est le genre d’arrangement qui peut durer toujours, mais vous ne trouverez pas beaucoup de groupes comme nous. »
P. K. : « Un peu comme les Austria 3. »
J. H. : « Exactement. Tout le monde en avait ras le bol de nous entendre chacun de notre côté, alors on s’est dit qu’on y arriverait un peu mieux en jouant ensemble. »
P. K. : « Peut-on gager que ce n’est pas la dernière fois qu’on vous voit tous les trois, qu’on peut espérer une nouvelle suite des aventures de Brenner ? »
J. H. : « Nous n’en sommes pas encore là. »
W. M. : « Cela dépend des réactions du public vis à vis de Silentium !, mais bien sûr, c’est envisageable. »
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Fiche technique
Réalisé par : Wolfgang Murnberger
Scénario : Wolfgang Murnberger, Wolf Haas et Josef Hader
Adapté du roman : « Silentium ! » de Wolf Haas, publié aux éditions Payot et Rivages, dans la collection Rivages Noir
Image : Peter Von Haller
Montage : Evi Romen
Musique : Sofa Surfers
Son : Heinz Ebner
Design son : Karoline T. Heflin
Mixage : Hannes Eder
Décors : Renate Martin et Andreas Donhauser
Costumes : Martina List
Maquillage : Michaela Oppl
Casting : Barbara Vögel et Markus Schleinzer
Assistant réalisateur : Georg Mayrhofer
Continuité : Alice Stengl
Scripte : Cristina Klinger
Produit par : Danny Krausz et Kurt Stocker
Producteur exécutif : Manfred Fritsch
Directeur de production : Bernhard Schmatz
Une production : Dor Film
Ventes internationales : Sola Media
Distribution : Films Sans Frontières 2
Avec le soutien du : Cnc
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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de
remerciements à Christophe Calmels et Antoine Duffait
logos, textes & photos © www.films-sans-frontieres.fr